Vers une remise en question de la souveraineté normative des fédérations sportives ?
La loi n°84-610 du 16 juillet 1984, relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives constitue le socle du droit positif applicable aux activités sportives.
Les fédérations agréées peuvent recevoir délégation du Ministre chargé des sports pour la mise en œuvre d’un pouvoir normatif. Celui-ci leur confère le droit et la responsabilité d’édicter les règles techniques de la discipline dont elles ont la charge, d’élaborer les règlements relatifs à l’organisation des manifestations ainsi que les règles de sécurité et de déontologie applicables à la discipline concernée.
Ce pouvoir peut, notamment, être subdélégué aux ligues professionnelles, dans le cadre de l’article L131-9 du Code du Sport.
Ainsi, des « règlements », ou « normes » propres à chaque sport ont été élaborées par les Fédérations sportives compétentes (voir le rapport d’information déposé le 10 mai 2005, n°22-95, sur les normes édictées par les fédérations et les ligues sportives). Le vocable « normes » a été choisi pour la bonne compréhension de cet article.
Ces normes ont jusqu’à présent été appliquées sans faille.
Toutefois, le Ministre chargé des sports peut déférer à la Juridiction administrative les actes pris en vertu des délégations, dès lors qu’il les estime contraires à la légalité (article L131-20 du Code du Sport).
De même, les Juridictions civiles peuvent être saisies d’un litige relatif à l’application de ces normes.
Un avis du Conseil d’Etat rendu le 20 novembre 2003 a précisé l’étendue et les limites du pouvoir réglementaire autonome des fédérations sportives, sur saisine du Ministre chargé des sports.
Le Juge administratif rappelle tout d’abord que les règles édictées par les fédérations constituent un acte administratif pris pour l’exécution de la mission de service public que la loi confère aux fédérations délégataires. Cet acte est donc susceptible en tant que tel d’être déféré au Juge de l’excès de pouvoir par toute personne justifiant d’un intérêt à agir.
Il subordonne en outre l’exercice de ce pouvoir réglementaire à plusieurs conditions, notamment :
– le caractère nécessaire des règles édictées à l’exécution de la mission de service public déléguée,
– la proportionnalité de ces mesures aux exigences de l’activité sportive réglementée,
– la publicité de ces règles,
– la consultation préalable du CNAPS (Conseil National des Activités Physiques et Sportives).
Longtemps considérée comme acquise, la conformité de l’ensemble de ces règlements, décisions et chartes sportives fait l’objet, depuis quelques mois, d’une remise en cause par les Tribunaux.
C’est dans ce contexte qu’interviennent deux décisions, rendues récemment dans le domaine de la formation et de la sécurité, l’une par la Cour d’Appel de LYON le 26 février 2007, dans le domaine de la formation et l’autre par le Tribunal Administratif de PARIS le 16 mars 2007 en matière de sécurité, qui remettent en cause les règles fédérales adoptées par la Fédération Française de Football au regard du droit Français.
1. Remise en cause de la Charte du Football Professionnel
La première décision concernait un jeune joueur formé par le Centre de Formation de l’Olympique Lyonnais, dans le cadre d’un contrat Espoirs, signé en 2000.
Cette décision est relative à la Charte du Football Professionnel 2006/2007, convention réglant les rapports entre la Ligue Française de Football Professionnel et la Fédération Française de Football, d’une part, et les organismes employeurs et salariés du football, d’autre part.
L’article 261 de la Charte du Football Professionnel prévoit qu’à l’expiration « du contrat de joueur Espoirs le club est en droit d’exiger de l’autre partie la signature d’un contrat de joueur professionnel« .
En violation de ces dispositions, le joueur concerné avait refusé de signer le contrat professionnel proposé par l’Olympique Lyonnais pour s’engager aux côtés d’un club Outre-Manche.
Le litige a été soumis au Conseil des Prud’hommes par l’Olympique Lyonnais, qui réclamait le versement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, sur le fondement de l’article L122-3 du Code du Travail. Il a ensuite été soumis à la Cour d’Appel de LYON.
Ce litige soulevait la question de la conformité de cette disposition de la Charte du Footballeur Professionnelle, et notamment de l’interdiction absolue qu’elle comprend de travailler avec tout autre club, même appartenant à la Ligue, à certaines normes occupant, dans la hiérarchie traditionnelle des normes, un rang supérieur.
Il s’agissait, d’une part, de l’article L120-2 du Code du Travail prévoyant que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché« .
Etait, d’autre part, en cause l’article 39 du Traité CE, rappelant le principe de la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté Européenne.
La Cour d’Appel précise, à ce titre, qu’une telle restriction, apportée aux libertés individuelles de contracter et de travailler, est disproportionnée par rapport à la protection, aussi légitime soit-elle, des intérêts du club formateur qui, « même s’il a dispensé au joueur sur le point de devenir professionnel une formation coûteuse, n’est pas fondé à exiger qu’il travaille obligatoirement pour lui« .
2. Remise en cause du Règlement de la Fédération Française de Football
En parallèle, la décision rendue par le Tribunal Administratif de PARIS tire des conclusions similaires en matière de sécurité, sur la hiérarchie des normes dans le domaine sportif.
Saisi par le PARIS SAINT GERMAIN qui, à la suite de la finale de la Coupe de France contre CHATEAUROUX de 2004, avait été condamné par la Commission de Discipline de la Fédération Française de Football à une amende de 20.000 euros et à un match à huis clos pour des dégradations commises par ses supporters, le Tribunal Administratif a remis en cause le règlement de la Fédération Française de Football qui prévoit, dans son article 129.1 que « les clubs qui reçoivent sont chargés de la police du terrain et sont responsables des désordres qui pourraient résulter avant, pendant ou après le match, du fait de l’attitude du public, des joueurs et des dirigeants ou de l’insuffisance de l’organisation. Néanmoins, les clubs visiteurs ou jouant sur terrain neutre sont responsables lorsque les désordres sont le fait de leurs joueurs, dirigeants ou supporters« .
Les magistrats ont ainsi considéré que cette disposition contrevenait aux principes légaux en vigueur.
Ainsi, sur le plan civil, l’article 1382 du Code Civil pose le principe de la responsabilité personnelle, et dispose que « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer« .
Si la loi étend la responsabilité du dommage causé de son propre fait à celui causé « par le fait des personnes dont on doit répondre« , il y a lieu de s’interroger sur l’applicabilité de cette disposition à la relation entre supporters et club visiteur. A ce titre, on relèvera qu’il n’existe aucun lien juridique (ni légal, comme c’est par exemple le cas de la relation parents/enfants, ni contractuel, lorsqu’il s’agit des relations salarié/employeur). Dès lors, la responsabilité du club ne saurait être engagée sur ce fondement.
Sur un plan pénal, le principe applicable est celui posé à l’article 121-1 du Code Pénal en vertu duquel « nul n’est responsable pénalement que de son propre fait« .
En conséquence, si la responsabilité du club visiteur peut légitimement être prévu dans le règlement de la Fédération Française de Football pour ce qui concerne ses dirigeants et salariés, il ne saurait en être de même, s’agissant de supporters qui n’entretiennent aucun lien juridique avec le club.
La décision prise par le Tribunal Administratif de PARIS semble en conséquence solidement fondée d’un point de vue juridique.
Les réactions suscitées par ces deux décisions judiciaires sont à la mesure des bouleversements qu’elles laissent présager en matière de hiérarchie des normes et de « souveraineté » des Fédérations dans l’organisation de leur activité, et l’édiction de règles internes s’affranchissant, parfois, des lois et règlements en vigueur.
Il convient à ce titre de souligner la décision rendue le 8 février 2007 par la formation de référé de la Cour d’Appel de BRUXELLES, remettant également en cause l’autonomie et la valeur du pouvoir disciplinaire des instances sportives, dans une affaire de paris truqués. Les Magistrats ont interdit à la Fédération Belge de suspendre trois joueurs impliqués dans une affaire de corruption avant leur jugement aux plans civil et pénal, contestant ainsi le pouvoir disciplinaire de la Fédération.
Blandine Poidevin, Avocat
Chargée d’enseignement à l’Université de Lille 2
Viviane Gelles, Avocat
Bonjour,
Existe t il pour un licencié membre d’une fédération sportive agréée mais non-délégataire, a fortiori pour un membre ayant saisi les instances disciplinaires, de contester la régularité de procédures disciplinaires dès lors que de multiples violations systématiques de la loi et des textes internes sont constatées, et récurrents voire récidivistes, malgré des lettres RAR l malgré des rappels du ministère des sports, sachant que toutes ces décisions prises ont « blanchi » systématiquement un dirigeant régional indélicat et fautif preuves à l’appui ?
Décisions hors délais, appels pas traités, composition des commissions irrégulièrers, affaires « oubliées » … décisions motivées à la hussarde…..moratoire de suspension voté en comité direction de cette fédération (et contredit par le ministère des sports lui-même…sans effet…)
En d’autres termes : sans juger de la sanction disciplinaire prononcée ou non est il possible d’agir en justice sur la régularité des procédures pour les faire annuler même s’il n’y a pas de sanctions prononcées ?? sous les fondements des art. 1134 1135 du c. civ et sur le fondement su doit légitime de tout membre à pouvoir exiger le respect des la loi et des textes applicables ?
la cour de cass a déjà jugé qu’il n’était pas besoin de ressentir un préjudice quelconque pour un membre pour légitimer sa qualité à agir et exiger le respect des dispositions issues des art. 1134 1135.
merci de votre aimable avis
Bonjour,
Existe t il pour un licencié membre d’une fédération sportive agréée mais non-délégataire, a fortiori pour un membre ayant saisi les instances disciplinaires, de contester la régularité de procédures disciplinaires dès lors que de multiples violations systématiques de la loi et des textes internes sont constatées, et récurrents voire récidivistes, malgré des lettres RAR l malgré des rappels du ministère des sports, sachant que toutes ces décisions prises ont « blanchi » systématiquement un dirigeant régional indélicat et fautif preuves à l’appui ?
Décisions hors délais, appels pas traités, composition des commissions irrégulièrers, affaires « oubliées » … décisions motivées à la hussarde…..moratoire de suspension voté en comité direction de cette fédération (et contredit par le ministère des sports lui-même…sans effet…)
En d’autres termes : sans juger de la sanction disciplinaire prononcée ou non est il possible d’agir en justice sur la régularité des procédures pour les faire annuler même s’il n’y a pas de sanctions prononcées ?? sous les fondements des art. 1134 1135 du c. civ et sur le fondement su doit légitime de tout membre à pouvoir exiger le respect des la loi et des textes applicables ?
la cour de cass a déjà jugé qu’il n’était pas besoin de ressentir un préjudice quelconque pour un membre pour légitimer sa qualité à agir et exiger le respect des dispositions issues des art. 1134 1135.
merci de votre aimable avis