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UN DROIT A L’EXCEPTION HUMORISTIQUE ?

Près de vingt ans après la fameuse affaire LACOSTE / J’ACCOSTE et dans un contexte où de nombreuses affaires sont portées devant la justice pour des parodies de marques , le magazine TÊTU a lui aussi été mis en cause par le Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF) qui lui reprochait l’utilisation des marques et emblèmes olympiques.

Le magazine TETU a ainsi sorti en juillet 2004 un numéro intitulé « les Jeux Olympiques du Sexe» comportant en page de couverture les sous-titres :

« Numéros doubles spécial JO d’Athènes »

Records

Performances

Endurance

Prêts pour la course au plaisir ? »

et intégrant et intégrant les couleurs de l’emblème olympique à la présentation du magazine.

Le CNOSF, agissant sur le terrain de la contrefaçon et de la concurrence déloyale, reprochait, au visa des articles L 141-5 du Code du Sport et L 713-5 du Code de la Propriété Intellectuelle, à la société PRESSE COMMUNICATION qui est titulaire de ce titre de presse, la reproduction des termes « Olympiade », « Olympique », « Jeux Olympiques » ainsi que des couleurs des anneaux olympiques.

L’article L141-5 du Code du Sport dispose que :

« Le Comité national olympique et sportif français est propriétaire des emblèmes olympiques nationaux et dépositaire de la devise, de l’hymne, du symbole olympique et des termes  » jeux Olympiques  » et  » Olympiade « . »

L’article L 713-5 du Code de la Propriété Intellectuelle prévoit quant à lui que :

« L’emploi d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité de son auteur s’il est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cet emploi constitue une exploitation injustifié de cette dernière. »

Le CNOSF est ainsi investi par l’article précité du droit d’agir en vue de la protection des marques concernées et du droit de poursuivre judiciairement notamment tout acte de reproduction ou d’imitation de ces termes.

Le CNOSF considérait que l’éditeur du titre de presse avait utilisé ces termes afin de profiter du renom et du prestige associés aux Jeux Olympiques afin de promouvoir la vente du magazine, sans justifier d’une quelconque nécessité d’information du public ou d’un droit à la critique. Il estimait dans ces conditions que l’usage de ces marques lui est préjudiciable dans la mesure où il provoquait un affaiblissement de leur pouvoir attractif, leur dilution et leur banalisation.

En défense, il était rappelé que la reproduction de ces éléments s’inscrivait dans un propos ludique et humoristique, non dénigrant ne pouvant suffire à caractériser une exploitation injustifiée des signes concernés.

La Cour d’Appel de Paris, à laquelle a été déféré le Jugement contesté rendu par le Tribunal de Grande Instance de Paris le 26 octobre 2005, a considéré que les termes protégés avaient été utilisés dans leur sens courant de compétition susceptible de se dérouler dans des domaines divers et qu’ils avaient été retenus pour aborder sur un mode fantaisiste des questions en relation avec l’homosexualité, domaine auquel le magazine TÊTU est consacré.

Les Magistrats retiennent par ailleurs le fait que la société éditrice du magazine TÊTU ne s’est jamais présentée comme un partenaire officiel des jeux Olympiques en vue de bénéficier des retombées financières afférentes et que l’intention ludique, humoristique et non dénigrante ne pouvait caractériser une exploitation injustifiée de ce signe protégé.

La Cour d’Appel a ainsi repris une exception au régime commun du Droit des Marques sur le contexte humoristique. Il s’agit d’une exception non prévue dans le code de la propriété intellectuelle mais qui est parfois appliquée par la Jurisprudence.

Il s’agit d’une exception non prévue dans le Code de la Propriété Intellectuelle, au contraire de ce qui existe sur le terrain du droit d’auteur, mais qui est parfois retenue par la jurisprudence.

Par exemple, le Tribunal de Grande Instance de Paris avait rejeté sur ce fondement l’action en contrefaçon introduite par le titulaire de la marque LADA à l’encontre du film intitulé « maman » demandant « et toi, tu connais la différence entre une LADA et le SIDA ? Essaie de refiler ta LADA ».

De même, la Cour d’Appel de Riom s’était également fondée sur l’exception humoristique pour considérer que le déguisement du Bibendum Michelin en homme des cavernes par le syndicat de l’entreprise ne constituait pas une atteinte à la marque.

La Cour de Cassation, conduite à donner son point de vue dans l’affaire des « Jeux Olympiques du sexe », a infirmé l’arrêt d’appel. Elle était notamment interrogée sur le caractère autonome ou non du régime de protection des termes olympiques institué par l’article L 141-5 du Code du Sport. Prenant le contrepied des juges d’appel qui avaient estimé que l’exception humoristique devait trouver à s’appliquer dès lors que les marques dont est propriétaire le CNOSF relevaient du régime de droit commun, la juridiction suprême a rappelé qu’il s’agissait d’un régime de protection autonome conférant aux marques du CNOSF une protection absolue n’admettant aucune exception.

C’est la Cour d’Appel de Paris qui sera à nouveau chargée d’examiner ce litige sur renvoi après cassation.

Représentant deux crocodiles s’accouplant. Les juges avaient estimé que « le droit de faire rire de l’œuvre d’autrui par le pastiche ou la caricature ne peut trouver application [en matière de marques] domaine strictement commercial, axé sur la recherche du profit », TGI Paris, 17 février 1990.

Voir par exemple l’affaire AREVA dans laquelle cette dernière reprochait à Greenpeace l’utilisation des marques de la société, associées à une tête de mort et à un poisson au caractère maladif. Cour de Cassation, 1ère chambre civile, 8 avril 2008, n° pourvoi 07-11251

Cour d’Appel de Paris, 4ème chambre section B, 7 mars 2008

TGI Paris 17 février 1990 – D.1995 page 429

L’article L 122-5 du CPI prévoit que « lorsque l’œuvre est divulguée, l’auteur ne peut interdire la parodie, le pastiche, la caricature, compte tenu des lois du genre ».

TGI de Paris, 19 septembre 1990

Cour d’Appel de Riom, 15 septembre 1994

Cour de Cassation, chambre commerciale, 15 septembre 2009 n° 08-1598.