Quelques cas pratiques
Question 1 : dysfonctionnement dans la transmission des ordres
Les prestataires de services d’investissements en ligne (qu’ils offrent simplement un service de réception-transmission ou exécutent les ordres de bourse transmis) sont soumis à une simple obligation de moyen quant à la sécurité technique du site. En effet, conformément à la décision n°99-07 du Conseil des Marchés Financiers, en cas de dysfonctionnement du système de réception d’ordre, le prestataire doit s’efforcer d’informer les utilisateurs de la nature et de la durée prévisible du dysfonctionnement et doit avoir prévu dans la convention de service des moyens alternatifs de transmission d’ordres. Le prestataire doit également s’assurer qu’il dispose de capacité suffisante en terme d’équipements, systèmes informatiques et main d’œuvre au vue de sa clientèle et de ses perspectives de développement. Ainsi, la seule survenance d’un dysfonctionnement ne saurait suffire à caractériser une faute de la part du prestataire. Encore faudrait-il prouver qu’il n’a pas usé des meilleures possibilités qui s’offraient à lui pour remédier ou prévenir ce dysfonctionnement.
Aussi, en cas de déconnexion, même prolongée avec un serveur, la responsabilité de ce dernier ne peut être engagée : l’implication du serveur n’est pas avérée, une déconnexion pouvant avoir une toute autre origine.
A l’inverse, la non prise en compte d’un ordre de bourse passé par téléphone, précisément utilisé comme moyen alternatif de transmission d’ordres à une défaillance du site internet, est de nature à engager la responsabilité contractuelle du prestataire. En effet, le prestataire est tenu d’offrir des moyens alternatifs efficaces au passage d’ordres boursier en cas de dysfonctionnement. De plus, le prestataire est tenu d’informer son client de la bonne exécution ou non de l’ordre transmis (surtout lorsque l’exécution est effectuée par un tiers comme cela semble être le cas). En l’espèce, Consors a confirmé la bonne exécution de l’ordre de vente, entraînant la passation d’un nouvel ordre d’achat de titres, alors qu’en définitive l’ordre de vente n’a pas été effectué.
Ce client peut se retourner contre Consors en engageant sa responsabilité contractuelle s’il allègue un préjudice du fait de la non exécution de l’ordre de vente (baisse des cours…) et surtout s’il prouve la faute de Consors. Les prestataires de réception-transmission d’ordres boursiers sont tenus d’enregistrer les ordres transmis ainsi que le moment de la réception et de la transmission d’ordre. En cas de contentieux, tout client peut demander au prestataire de fournir ces pièces au dossier. Dès lors que la preuve de la transmission est produite, la charge de la preuve pèse sur le prestataire qui doit venir se décharger de la non transmission de l’ordre ou de sa non-exécution. Même en cas de décharge du prestataire, celui-ci reste en l’espèce responsable de n’avoir pas communiqué la non-transmission ou la non-exécution de l’ordre de vente, de l’avoir confirmé (preuve à la charge du client) et d’avoir pour autant accepter un nouvel ordre d’achat portant sur les mêmes titres.
Question 2 : Risques associés aux nouveaux brokers
Il existe deux types de broker en ligne : ceux qui proposent eux-mêmes des prestations de services d’investissement et ceux qui ne sont que les mandataires d’un prestataire de service d’investissement. Dans tous les cas, les brokers en lignes doivent communiquer aux internautes leur statut avant toute relation contractuelle.
Les prestataires de services d’investissement en ligne :
Il s’agit des brokers en lignes qui proposent un service de réception-transmission ou d’exécution d’ordres de bourses via internet. Ces brokers en ligne exercent donc des prestations d’un service d’investissement qui, pour exercer légalement ses activités, doit être dûment habilité à recevoir ce statut. La décision n°99-07 du Conseil des Marchés Financiers énonce que tout broker en ligne qui s’adresse de façon manifeste aux résidents français (langue française, acceptation du franc français, ordres de bourse sur une place française…) doit respecter la législation française en matière de services d’investissement. Ces brokers sont donc tenus aux même obligations que les services d’investissement dits ‘ classiques ‘ et, à ce titre, doivent présenter les mêmes garanties à l’égard de leurs clients que des banques traditionnelles. Il est vrai que la passation d’ordre par des brokers étrangers rend plus difficile le respect des obligations issues de la législation française en imposant l’obtention d’un jugement d’exéquatur dans le pays étranger afin de rendre applicable la décision française.
Cependant, ces brokers en ligne peuvent prendre différentes formes :
– selon qu’ils proposent uniquement un service de réception-transmission ou un service d’exécution d’ordres de bourse
– selon qu’ils sont teneurs de compte-conservateur d’instruments financiers (ou teneurs de comte espèces) ou non
Les obligations de ces brokers dépendent de la forme choisie. Ils ont l’obligation de mentionner clairement leur statut envers leurs clients.
Les mandataires de prestataire de services d’investissement :
Ils exercent les mêmes activités qu’un prestataire de services d’investissement en ligne mais pour le compte et au nom d’un autre prestataire de services d’investissement ; ils ne disposent pas eux-mêmes du statut de prestataires de services d’investissement et ne sont donc pas soumis à leur réglementation. Toutefois, ils ont l’obligation de mentionner aux internautes l’identité du mandant, c’est-à-dire le prestataire de services d’investissement pour le compte duquel et au nom duquel ils signent des actes juridiques avec des internautes. De plus, tout acte juridique conclu par leur intermédiaire dans la limite de leur pouvoir de représentation lie le mandant, qui, étant un prestataire de services d’investissement, est quant à lui soumis à la réglementation française en question. A ce titre, ces actes offrent les mêmes garanties que ceux conclus avec une banque ‘ classique ‘.
En cas de déconfiture, liquidation ou règlement judiciaire du mandataire, le broker en ligne, le mandat prend fin au jour du jugement de liquidation ou du règlement judiciaire (sauf accord entre le mandant et le mandataire). Tant qu’un jugement n’est pas prononcé, le broker en ligne engage donc le prestataire de services financiers. Par contre, dès lors qu’un jugement vient annoncer la liquidation ou le règlement judiciaire du broker en ligne, ce dernier ne saurait engager le mandant à l’égard des internautes. Dans cette dernière hypothèse, tout acte passé serait déclaré nul et non avenu et engagerait la responsabilité du broker en ligne.
Question 3 : Date d’effectivité d’un virement bancaire inter-groupe
L’effectivité d’un virement bancaire (débit et crédit) de compte à compte d’un même particulier dépend des usages professionnels du monde bancaire. S’agissant d’un virement inter-groupe, au sein d’un même groupe, des clauses au contrat de teneur de compte peuvent éventuellement venir stipuler des délais plus courts entre la date de débit et celle de crédit du virement, voire les supprimer totalement. Néanmoins, il n’existe aucune obligation à la charge d’une banque de créditer le virement le jour du débit du compte d’origine.
Toutefois, tout établissement financier est tenu d’une obligation d’information et de conseil envers ses clients, y compris en matière d’ordres à distance. Ainsi, tout établissement financier doit rendre compte de l’exécution des ordres transmis par le client et l’informer des risques de fonctionnement des marchés financiers, notamment à terme. En l’espèce, le client n’était visiblement pas au courant des délais d’effectivité d’un virement inter-groupe puisqu’il n’a pu assurer une couverture suffisante pour renforcer ses positions dans les délais souhaités, alors qu’il aurait pu le faire en effectuant directement un transfert en espèce.
Ce client peut engager la responsabilité contractuelle de son établissement financier en alléguant un préjudice (charges du défaut de couverture, manque à gagner du fait du non-renforcement de position…) issu d’un défaut de conseil et d’information quant à l’effectivité d’un virement inter-groupe par internet. La charge de la preuve revient à l’établissement financier qui doit prouver avoir correctement informé son client du délai d’effectivité d’un virement inter-groupe par internet et des risques liés à ce délai.
Question 4 : Ouverture de compte sans ligne de crédit
Mesactions.com est a priori un établissement accrédité banque française (ou mandataire d’une banque française) puisqu’il propose des PEA. Les établissements bancaires ont la possibilité de différer la date à laquelle l’opération est matériellement inscrite au compte (date d’opération) de la date de prise en considération sur le compte d’un particulier (date de valeur). Ainsi, pour les crédits, la date de valeur est postérieure à la valeur d’opération ; tandis que pour les débits, la date de valeur est antérieure à la date d’opération. Cela permet à l’établissement financier de faire travailler l’argent pour son propre compte.
Ce différentiel doit être communiqué au client avant tout engagement contractuel d’ouverture de compte et doit être mentionné dans le contrat (article 7 décret du 24 juillet 1984) sous peine de nullité pour vice du consentement. Ce différentiel peut toutefois être tacitement accepté en cas de non-contestation suite à son application de façon clairement identifiable et contrôlable. Néanmoins, ce différentiel ne doit pas être excessif par rapport au délai effectivement nécessaire pour la réalisation des opérations concernées.
En l’espèce, un délai de plus d’un mois apparaît clairement excessif au vue de l’opération à réaliser ; même en cas de stipulation d’un tel délai dans le contrat d’ouverture de PEA, celui-ci aurait de grande chance d’être ramené à des proportions plus acceptables par les juges. Dès lors, mesactions.com serait tenu d’accorder des dommages et intérêts pour immobilisation forcée de capitaux en plus des intérêts convenus courant à partir de cette nouvelle date de valeur. En l’absence de stipulation quant à ce délai, un particulier serait fondé à demander l’annulation du contrat pour vice du consentement et violation de l’obligation d’information et de conseil à laquelle est soumis tout établissement bancaire. Mesactions.com serait alors contraint de rembourser l’ensemble des sommes engagées majorées d’un intérêt légal et éventuellement de dommages et intérêts en cas de preuve d’un préjudice dû à l’immobilisation des fonds en question.
Blandine POIDEVIN
Si les conditions sont standard c a d
« le compte ne pourra fonctionner de maniere debitrice mais en cas de survenance de debit le client aura un mois pour regulariser »
A t il le droit de passer des ordres legalement et specifiquement pendant ce tps?
Merci Blandine Poitevin
Il me semble effectivement qu’il y a au moins manquement à une obligation de conseil.
Est il possible pour l etablissement financier de refuser un ordre de bourse si le compte est debiteur mais avec une couverture disponible?
La charge de la preuve pour l etalissement financier est ce uniquement lorsqu’il doit l information et le conseil?
Tout dépendra des conditions générales et particulières souscrites…