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Quelques recommandations relatives à la gestion des droits d’auteur par les personnes publiques

Il est fréquent que la question des droits d’auteur des agents publics susceptibles de créer, dans le cadre de leurs missions, des oeuvres originales, soit mise en oeuvre de manière imparfaite par les personnes publiques. Un exemple : la création d’un visuel créé par un agent dans le cadre de la promotion d’un événement communal, repris quelques années plus tard sous une forme déclinée dans le cadre d’une autre manifestation.

 

  1. RAPPEL DES PRINCIPES GENERAUX DU DROIT D’AUTEUR

 

La protection par le droit d’auteur est accordée à une œuvre dès lors que l’on est en présence d’une création « originale », définie par les tribunaux comme une création portant l’empreinte de la personnalité de son auteur.

 

Le droit d’auteur naît de la simple création, il n’est pas nécessaire de procéder à de quelconques formalités. Ainsi, l’article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) dispose : « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous (…) ».

 

Dès lors que la création personnelle réalisée reflète l’empreinte de sa personnalité, elle releve, par conséquent, de la protection accordée par le Livre Premier du CPI.

 

L’auteur d’une œuvre originale dispose, sur sa création, de droits exclusifs et opposables à tous.

 

  1. Lorsque le créateur avait la qualité d’agent public à l’époque de la création. C’est en cette qualité qu’il réalise l’œuvre sur laquelle il revendique des droits. L’article L.111-1, al.2 du CPI prévoit que «l’existence ou la conclusion d’un contrat de louage d’ouvrage ou de service par l’auteur d’une œuvre de l’esprit n’emporte pas dérogation à la jouissance du droit reconnu par le premier alinéa, sous réserve des exceptions prévues par le présent code. Sous les mêmes réserves, il n’est pas non plus dérogé à la jouissance de ce même droit lorsque l’auteur de l’oeuvre de l’esprit est un agent de l’État, d’une collectivité territoriale, d’un établissement public à caractère administratif, d’une autorité administrative indépendante dotée de la personnalité morale ou de la Banque de France.». Ainsi, même en présence d’une œuvre réalisée par un agent public, dès lors que celle-ci l’a été ans le cadre des missions qui lui étaient confiées, les droits d’auteur appartiennent au créateur.

 

L’auteur investi de droits exclusifs peut, au titre de ses attributs patrimoniaux, notamment interdire ou autoriser la reproduction (article L122-3 du CPI), la représentation (article L122-2 du CPI) et l’adaptation (article L122-4 du CPI) de son œuvre.

 

Ainsi, de jurisprudence constante, l’adaptation, même originale, effectuée sans le consentement de l’auteur, peut constituer une contrefaçon (TGI Paris, 23 mars 1978).

 

L’auteur dispose en outre, au titre de ses droits moraux, d’un droit de paternité sur son œuvre, d’un droit de divulgation ainsi que d’un droit au respect de l’intégrité de son œuvre et d’un droit de repentir. Lorsque l’auteur est un agent public, ces trois dernières prérogatives morales sont toutefois amoindries.

 

Néanmoins, la réforme issue de la loi du 1er août 2006 a organisé une cession légale, au profit de leur employeur, des œuvres créées par les agents publics “dans l’exercice de leurs fonctions ou d’après les instructions reçues”.

 

 

La cession légale envisagée par le CPI prend une forme différente selon l’exploitation envisagée par la personne publique.

 

Ainsi, lorsqu’il s’agit d’une exploitation effectuée « dans la mesure strictement nécessaire à l’accomplissement d’une mission de service public », le droit d’exploitation de l’œuvre est, dès la création, cédé de plein droit à la personne publique qui emploie l’agent.

 

La délimitation des activités “strictement nécessaires à l’accomplissement d’une mission de service public” ne doit pas être réduite à une approche formelle des textes qui définissent les missions pour lesquelles les personnes publiques sont compétentes. Il convient davantage de tenir compte de « ce qui fait le coeur de la mission qui avant tout se définit par l’intérêt général que revêt l’activité exercée » (M. Cornu, Droits d’auteur des fonctionnaires : le périmètre contenu de l’exception de service public : D. 2006, p. 2185).

 

A défaut de jurisprudence récente et probante rendue en la matière postérieurement à l’entrée en vigueur de cette réforme, il convient, par prudence, de retenir une interprétation restrictive, en faveur de l’auteur, de cette disposition et donc de la notion de « mission de service public ».

 

Au contraire, lorsqu’il s’agit d’une exploitation commerciale, la collectivité ne dispose envers l’agent auteur que d’un droit de préférence.

 

Le texte ne précise pas si la décision de procéder à une exploitation commerciale déclenchant le droit de préférence de la personne publique est exercée exclusivement par celle-ci, ou si elle peut être prise par l’auteur lui-même, ou par un tiers privé ou public, ni quelle formalité atteste de cette décision. Le décret en Conseil d’Etat annoncé par le texte de l’article L131-3-3 n’a, à ce jour, pas encore été publié.

 

Il semble raisonnable de tenir compte, dans l’appréciation du caractère commercial de l’exploitation de l’œuvre, de la création d’un profit économique par la personne publique, de la nature concurrentielle ou non de l’activité menée etc.

 

Dans ce contexte, la personne publique peut se rendre passible d’actes de contrefaçon au préjudice de l’agent public, engageant sa responsabilité sur le fondement de l’article L335-2 du CPI.

 

La contrefaçon est un acte d’utilisation non autorisée de l’œuvre. Elle est caractérisée, indépendamment de toute faute ou mauvaise foi, par l’exploitation ou l’adaptation d’une œuvre de l’esprit, en violation des droits de propriété intellectuelle qui y sont attachés.

 

La contrefaçon peut être sanctionnée par la voie pénale (punie par trois ans d’emprisonnement et 300.000 euros d’amende), ou par la voie civile, via une action devant le Tribunal de grande instance, où le demandeur peut réclamer que le contrefacteur cesse les actes de contrefaçon et le dédommage du préjudice subi.

 

S’agissant des attributs moraux,  l’auteur dispose tout d’abord d’un droit de paternité (droit à être cité) sur son œuvre.

 

En second lieu, s’agissant de son droit à ce que l’intégrité de son œuvre soit préservée, il convient de rappeler les dispositions de l’article L 121-7 du CPI :

 

« L’agent ne peut s’opposer à la modification de l’œuvre décidée dans l’intérêt du service par l’autorité investie du pouvoir hiérarchique, lorsque cette modification ne porte pas atteinte à son honneur ou à sa réputation ».

 

Aussi, il conviendra aux personnes publiques d’être vigilantes quant à l’adaptation qu’elles peuvent effectuer de l’oeuvre originale afin de s’assurer qu’une telle adaptation ne constitue pas une atteinte à l’honneur ou à la réputation de l’auteur.

 

 

III.   NOS RECOMMANDATIONS

 

La mise en place de certains dispositifs permettent de sécuriser, sur un plan juridique, l’utilisation d’œuvres originales créés par un agent public et protégées par le droit d’auteur.

 

III.1 – Identifier l’origine de l’œuvre dont l’exploitation est envisagée : auteur de l’œuvre et situation juridique de celui-ci (agent public, contractuel, prestataire, autre).

 

III.2 – Vérifier le caractère original de l’œuvre.

 

III.3 – Identifier les conditions de réalisation de l’œuvre (commande extérieure, accomplissement des missions confiées à un agent, autre). Il peut être opportun, lorsque l’œuvre est créée en interne, de conserver des écrits permettant d’établir qu’elle a été réalisée par l’agent dans le cadre de ses missions ou d’après les instructions reçues.

 

III.4 – Si l’œuvre a été réalisée par un tiers, s’assurer de la formalisation contractuelle de la cession des droits, dans des conditions conformes aux prescriptions de l’article L131-3 du CPI et aux exploitations envisagées.

 

III.5 – Si l’œuvre a été réalisée « en interne », définir les exploitations envisagées et, si une exploitation commerciale est prévue, actionner le droit de préférence auprès de l’auteur. Dans ce cas, une rémunération conforme aux prescriptions de l’article L131-3-3 devra être versée à l’auteur dans le cadre de la formalisation d’un contrat de cession des droits patrimoniaux. Le droit moral de l’auteur devrait idéalement être également abordé, afin de s’adapter au souhait de l’auteur de figurer ou non sur l’œuvre exploitée, notamment en cas d’œuvre dérivée.

 

III.6 – En tout état de cause, s’assurer du respect des droits moraux de l’auteur (notamment droit de paternité et droit à l’intégrité de l’œuvre) dans l’exploitation qui est faite de l’œuvre.