Quelle évolution pour le monopole des jeux d'argent ?
Un rapport d’information établi par la Délégation de l’Assemblée Nationale pour l’Union Européenne a été déposé à l’Assemblée Nationale ce 6 février 2008.Ce rapport rappelle les positions radicalement opposées entre la France et la Commission Européenne en matière de jeux d’argent.
La Commission Européenne souhaite libéraliser les activités de jeux et remettre en cause la réglementation des Etats alors que la France défend (en partie) le monopole de la Française des Jeux.
La Commission Européenne, considérant qu’elle porte atteinte à la liberté d’établissement et de prestations de services, rappelant que l’arrêt Gambelli a été confirmé par l’arrêt Placanica le 6 mars 2007. Elle vise notamment les monopoles comme la Française des Jeux.
L’arrêt Gambelli indiquait « les restrictions imposées à des intermédiaires tels que les prévenus au principal constituent des entraves à la liberté d’établissement des sociétés établies dans un autre Etat membre tels que Stanley, qui poursuivent l’activité de collecte de paris dans d’autres Etats membres par l’intermédiaire d’une organisation d’agences telles que les CTD (Centre de Transmission de Données) gérés par les prévenus« .
La CJCE avait considéré que les diverses restrictions nationales allaient au-delà de ce qui était nécessaire pour atteindre l’objectif de lutte contre la criminalité, seule argumentation susceptible de rendre légitime le monopole aux yeux de Bruxelles.
En France, la Cour de Cassation Française dans un arrêt The Turf du 10 juillet 2007 a appliqué la Jurisprudence de la Cour de Justice pour casser l’arrêt de la Cour d’Appel de PARIS qui avait obligé la société Maltaise The Turf à faire cesser le trouble manifestement illicite qui consistait à porter atteinte au droit exclusif réservé au PMU.
Le monopole n’a pas été remis en cause et diverses mesures ont été prises afin de lutter davantage contre les jeux illégaux.
En ce sens, la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance est destinée notamment à empêcher le développement de jeux illégaux sur Internet, et par exemple prévoit le blocage des flux financiers de personnes physiques ou morales qui organisent des activités de jeux, de paris ou de loteries prohibées par la loi Française. Elle renforce également les sanctions pénales encourues en matière d’organisation de jeux illégaux ou de publicité pour de tels jeux.
Il appartient à l’Etat de démontrer que le monopole de la Française des Jeux permet de prévenir l’exploitation des jeux de hasard à des fins criminelles ou frauduleuses, ou encore que la Française des Jeux est capable, dans un souci d’ordre public, de réduire véritablement les occasions de jeux et de limiter les activités dans ce domaine de manière cohérente et systématique.
Le rapport met en exergue les changements induits par Internet, à savoir :
- L’échec de l’application des lois nationales en matière de jeux. En effet, des sociétés off shore peuvent être créées. Elles sont alors hors d’atteinte des autorités Françaises.
- Le fait qu’Internet permette de commettre très rapidement des délits dans plusieurs Etats ou encore peut permettre de commettre des fraudes liées à l’absence de fiabilité des algorithmes, ou au non-versement des gains.
Internet est un facteur contribuant également à augmenter l’addiction.
Dans ce cadre, le rapport propose :
- Que soit limité le rôle de la Commission et de la Cour de Justice par la voie d’un accord intergouvernemental.
- Qu’en parallèle, la France déclare au Conseil Européen que le jeu n’est pas un commerce ordinaire, et qu’elle réaffirme le droit des Etats de se doter de la politique des jeux de leur choix en fonction de leur contexte culturel, social et éthique.
Il s’agirait de concilier à la fois la nécessité d’un contrôle fort des Etats, et la promotion d’un jeu responsable, et ainsi de faire une ouverture maîtrisée d’une offre légale, par le biais de licences nationales.
Un agrément serait ainsi envisagé sous réserve d’avoir satisfait à un cahier des charges strict. L’agrément serait accordé à la personne morale exploitante, au site Internet, et à chaque type de jeu offert sur ledit site.
Une procédure de certification des sites serait ainsi mise en place. Un label serait alors apposé sur la page d’accueil de l’ensemble des sites Internet concerné qui seraient tous regroupés sur un portail.
Il est également proposé de mettre en place un organe de contrôle interministériel, sous l’autorité du Premier Ministre. Cet organe de contrôle serait doté d’un pouvoir de sanction et pourrait, par exemple, ordonner le retrait ou la suspension de l’agrément, ou prononcer des amendes.
D’un point de vue répressif, le rapport propose l’interdiction des paris à la côte pour les paris sportifs. Cette interdiction sera applicable à tous les opérateurs. Le rapport considère que c’est sur ce point que les fraudes sont les plus importantes.
Il prévoit également un strict encadrement de la publicité sur la base de l’exemple Britannique de la « liste blanche ». Il s’agit de sites considérés comme illégaux par le Gouvernement Britannique, qui n’ont même pas présenté de demande d’agrément.
Un tel filtrage des sites Internet de jeux d’argent pourrait être imposé aux fournisseurs d’accès. Cela suppose de mettre en place une base de données publique des sites illicites.
Le rapport propose enfin de bloquer les transactions bancaires illégales, c’est à dire de faire interdiction aux banques de verser les gains tirés de jeux sur les sites illégaux
C’est pourquoi les rapporteurs demandent que la France, lors des prochains G8 et G20, demande que ces derniers engagent une réflexion en la matière afin qu’elle se concrétise par le dépôt d’un projet de convention à l’ONU pour encadrer cette cybercriminalité.
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Blandine POIDEVIN
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