Projet de loi DAVDSI : dispositions majeures
A l’heure où les débats sur les récents arrêts rendus à propos de la copie privée font rage, le Parlement Français vient d’être saisi de la transposition de la directive Européenne du 22 mai 2001, portant sur les Droits d’Auteur et les Droits Voisins dans la Société de l’Information (DADVSI).
En effet, la France a été condamnée en 2005 pour non-transposition de cette directive, d’où la procédure d’urgence sélectionnée aujourd’hui.
Ce texte a pour objectif de lutter contre la transmission de fichiers illégaux sur les plate formes de peer-to-peer (ou P2P, réseaux décentralisés permettant de partager des fichiers informatiques), via la protection de mesures techniques de protection (MTP ou DRM en Anglais), limitant l’accès et la copie de certains médias (CD, DVD).
En pratique, cela peut se manifester par l’imposition d’un logiciel de lecture spécifique, un nombre d’écoutes limitées, une autorisation de lecture à distance via internet, un nombre restreint de copies possible, etc…
Le projet érige ainsi des sanctions pénales à l’encontre de ceux qui contournent, ou aident au contournement, de telles mesures de protection.
De nouvelles exceptions au droit d’auteur
Le texte ajoute deux exceptions aux droits d’auteurs :
– L’auteur ne pourra ni s’opposer à l’exploitation de ses œuvres par les associations venant en aide aux handicapés, ni s’opposer à la reproduction de ses œuvres nécessaires au bon fonctionnement d’un site Internet (browsing et caching), pourvu que ces deux exceptions ne soient pas employées à des fins commerciales lésant injustement l’auteur.
Remarquons sur ce point que le gouvernement n’a pas souhaité reprendre plus d’une seule exception facultative proposée par la directive, préférant les arrangements contractuels entre ayants droits et les bibliothèques, musées, prisons visés dans le texte Européen.
Le projet de loi prévoit, en outre, la création d’un collège de trois médiateurs statuant sur les litiges portant sur les mesures techniques de protection, dans le cadre des deux exceptions ci-dessus. Ce collège, dont l’indépendance est rappelée, mais non contrôlée, a pour vocation de désengorger les Tribunaux.
De nombreux amendements ont été déposés en vue d’ajouter de nouvelles exceptions au droit d’auteur proposées par la directive (bibliothèques, centres de recherches, etc…).
Certaines exceptions sont déjà présentes dans le Code de la Propriété Intellectuelle, par exemple, le droit de citation ou le droit à copie privée. Toutefois, il pourrait être judicieux d’adapter une formulation identique à celle de la directive, en vue d’une parfaite harmonisation entre les Etats membres.
La protection des mesures techniques de protection
En ce qui concerne les mesures techniques de protection à proprement parler, le projet de loi reprend la définition de la directive Européenne au mot près.
Il exclut expressément de sa protection les mesures techniques de protection des logiciels, soumis à une autre directive Européenne 91/250/CEE, mais fait pourtant entrer dans le champ de leur définition tout dispositif accomplissant la fonction d’empêcher/limiter les utilisations d’un programme. On peut alors s’interroger sur le sens qu’il convient d’accorder au « programme ».
La contrefaçon, délit traditionnellement réservée à la violation d’un droit de propriété intellectuelle, sanctionnera le contournement, ou l’aide au contournement, d’une mesure technique de protection.
La condamnation pour contrefaçon sera retenue dans les hypothèses suivantes :
– « porter atteinte » à une mesure technique de protection (modifier la mesure, altérer son code de programmation) ;
– avoir l’intention de commettre l’acte, avoir conscience de son acte (« en connaissance de cause ») ;
– avoir l’intention spéciale d’atteindre un but précis (« afin de ») ;
– atteindre un résultat effectif : l’altération de la protection assurée par la mesure technique de protection.
Ces critères sont cumulatifs, et à interpréter restrictivement, étant donné le caractère pénal de la sanction (principe de l’interprétation stricte de la loi pénale).
En résumé, il faudrait donc directement modifier le code de la mesure technique de protection, avec l’intention de le faire, et dans le but recherché de dénaturer la protection, ce qui limite grandement l’objectif initial du texte de lutter contre le Peer to Peer.
Se pose la question des logiciels de contournement, et de leur publicité. En matière de production/distribution/publicité de logiciels permettant de contourner ces mesures techniques de protection, la contrefaçon pourra être retenue si :
– la réalisation du fait est intentionnelle ;
– le logiciel est destiné à contourner la mesure.
En pratique, un logiciel dont les fonctionnalités n’ont pas pour but principal de contourner les mesures techniques de protection (comme un lecteur de DVD) ne tombera pas sous le coup de la loi, de même que la personne l’utilisant.
On peut toutefois déplorer que certaines mentions de la directive ne soient pas reprises, à l’image de l’encadrement des données personnelles collectées dans le cadre des mesures techniques de protection. On peut probablement espérer un avis de la CNIL sur le sujet dans les semaines à venir.
Le droit au service de la technique… la technique contournant le droit
En conclusion, on peut s’interroger sur la capacité de la technique à s’adapter, à évoluer au delà des règles juridiques. La solution au Peer-to-Peer se trouve-t-elle alors réellement dans la limitation de l’utilisation des médias ?
(Co-écrit avec Martin Dantant, juriste)