Projet de loi PACTE : La (re)définition de l’entreprise.
Le 18 juin dernier, le projet de loi relatif au plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) a été présenté en Conseil des ministres. Le projet sera examiné par le Parlement à partir du mois de septembre. Sous l’impulsion du rapport « L’entreprise, objet d’intérêt collectif » réalisé par Nicole Notat et Jean-Dominique-Senard, le projet ambitionne, entre autres, de rendre les entreprises plus justes en redéfinissant la raison d’être des entreprises. En proposant de modifier certaines dispositions du Code civil, le Gouvernement entend introduire dans la législation française des éléments issus de la réflexion autour de la prise en compte des intérêts des parties prenantes par les entreprises, et non uniquement ceux des associés, et de la responsabilité sociale des entreprises (RSE). Ces modifications ont vocation à s’appliquer à toutes les sociétés, y compris les sociétés civiles.
La consécration de la notion d’intérêt social
En premier lieu, le projet propose de consacrer la notion d’intérêt social en ajoutant un nouvel alinéa à l’article 1833 du Code civil. Cette notion, utilisée abondamment par la jurisprudence, n’avait en effet jamais été définie par le législateur. Actuellement, l’article 1833 dispose que « toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l’intérêt commun des associés ». Le nouvel alinéa proposé dispose que « la société est gérée dans son intérêt social ». Pour le Gouvernement, il s’agirait de consacrer le fait que les sociétés ne sont pas gérées dans l’intérêt de personnes particulières, mais dans leur intérêt autonome et dans la poursuite des fins qui lui sont propres.
La prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux
Le projet propose également que la gestion des sociétés « [prenne] en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ». La formulation indique qu’il s’agit d’une obligation de moyens devant être observée à l’occasion des décisions de gestion. Cette prise en considération devra cependant toujours se faire dans les limites de l’intérêt social de la société. Selon le rapport de la mission « Notat Senard », ces nouvelles dispositions ont pour but d’officialiser certaines pratiques visant à faire entrer la RSE dans la gouvernance d’entreprise.
La raison d’être des entreprises
Ne retenant pas la recommandation de la mission « Notat Senard » visant à reconnaître un statut d’entreprise à mission, à la manière des benefit corporations américaines, le Gouvernement a préféré introduire la notion nouvelle de raison d’être de la société. En effet, il est proposé d’ajouter une nouvelle phrase à l’Article 1835 du Code civil prévoyant que « les statuts [de la société] peuvent préciser la raison d’être dont la société entend se doter dans la réalisation de son activité ». Il ne s’agit donc pas d’une disposition impérative. Elle permet cependant de consacrer une pratique à laquelle se soumettent déjà de nombreuses entreprises, visant à définir formellement les raisons profondes pour lesquelles elles mettent en œuvre les moyens nécessaires à leur activité. D’une certaine manière, de telles dispositions statutaires permettent de circonscrire plus précisément la notion d’intérêt social propre à chaque société. Reste à voir si les entreprises se saisiront de cet outil afin de généraliser certaines bonnes pratiques.
Maître Antoine Lochet
Avocat au Barreau de Lille