Peut-on reprendre même en partie une oeuvre existante en vue d’une nouvelle création ?
Dans une telle situation, l’oeuvre créée est considérée juridiquement comme une oeuvre composite au sens de l’article L.113-2 alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle, dont la définition est la suivante: « est dite composite l’oeuvre nouvelle à laquelle est incorporée une oeuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière« .
Dès lors que l’oeuvre préexistante est encore protégée par des droits d’auteur, il est nécessaire d’obtenir l’autorisation de l’artiste pour l’insérer dans une oeuvre nouvelle.
Au sein de l’Union européenne, les droits patrimoniaux (droit de reproduction et de représentation) de l’auteur sur son oeuvre existent jusqu’à 70 ans après sa mort et sont transmis à ses ayants droits après sa mort. Avant cette période de 70 ans après le décès de l’auteur, les oeuvres ne sont pas tombées dans le domaine public et les ayants droits peuvent agir en contrefaçon à raison de l’exploitation non autorisée des oeuvres de l’auteur.
Il importe peu que l’oeuvre d’origine ne soit visible qu’en partie dans une création nouvelle, dès lors que l’oeuvre peut toutefois être partiellement reconnue ou identifiée.
Le Tribunal de Grande Instance de Paris en a récemment décidé ainsi concernant l’oeuvre « Naked » de Jeff KOONS (TGI Paris, 3e chambre, 4e section, 9/03/2017, n°15-01086).
En effet, Jeff KOONS avait utilisé une photographie existante d’un autre artiste pour une sculpture. Au-delà des différences fondamentales liées au support d’expression choisi (absence de reprise de la lumière, du cadrage et de l’angle de prise de vue de la photographie), Jeff KOONS avait opéré une démarche créative propre par la disposition des personnages de la photographie sur un socle en forme de coeur coloré, parsemé de fleurs et l’ajout d’un bouquet dans les mains du garçon.
Cependant, le Tribunal a estimé que ces différences n’empêchaient pas d’identifier et de reconnaître les éléments essentiels de l’oeuvre d’origine, de sorte qu’il s’agissait bien d’une contrefaçon.
Ainsi, même si les oeuvres ne peuvent être identifiées que partiellement, elles ne peuvent être reprises sauf à risquer une action en contrefaçon des ayants droits de l’artiste, à défaut d’une autorisation préalable de leur part.
S’agissant d’oeuvres d’artistes dont les oeuvres sont entrées dans le domaine public, les artistes continuent à disposer d’un droit moral imprescriptible sur leurs oeuvres (même passé 70 ans après leur mort), qui comprend le droit au respect de l’oeuvre (interdiction de recadrage, modification du support,…).
Même lorsque l’oeuvre reprise est entrée dans le domaine public, le nom de l’artiste doit être cité, afin de respecter le droit à la paternité, qui fait également partie des droits moraux de l’auteur.
Blandine Poidevin
Virginie Perdrieux
Avocats
Cabinet Jurisexpert
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