La nouvelle directive sur le droit d’auteur
La directive sur le droit d’auteur adoptée le 12 septembre 2018 par le Parlement Européen avait été présentée par la Commission Européenne, dès 2016, afin de rénover la législation européenne en la matière.
En effet, la législation précédente datait des débuts du web, à une époque où les plateformes de téléchargements de contenus de type Youtube, Google, n’en étaient qu’à leurs balbutiements. Etaient, dans le viseur, ces plateformes qui recensent, mettent en valeur, stockent des contenus créés par d’autres, qu’il s’agisse de vidéos, d’articles de presse, etc…
C’est à ce point précis que la directive veut répondre en prévoyant de nouveaux mécanismes afin de tenter de mieux rémunérer les auteurs tout en préservant la liberté d’expression. Le texte adopté est, avant tout, un texte de compromis.
Elle entend contraindre les plateformes en ligne à conclure des accords avec les ayants-droit.
La directive entend ainsi renforcer la responsabilité des plateformes en matière de protection du droit d’auteur, y compris lors de la diffusion d’extrait d’article de presse.
Si l’utilisateur voit d’un bon œil l’accès à ces plateformes de façon gratuite, cette hégémonie est contestée par les ayants-droit, tels que les éditeurs de presse, les maisons de disque, artistes etc. qui considèrent que ces plateformes se sont développées à partir de leurs contenus et sans contrepartie suffisante.
L’article 13 et la question du blocage
Plusieurs questions ont été posées lors de négociations portant sur cette directive qui a fait l’objet d’un intense lobby, notamment la question de la responsabilité des plateformes au regard d’un contenu qui serait illégal car diffusé sans autorisation ou en violation des droits des ayants-droits.
En effet, les plateformes se positionnent en tant qu’hébergeurs et ainsi, sans responsabilité a priori au regard du contenu hébergé.
Le texte entend inciter les plateformes à négocier des accords avec les ayants-droits pour le compte de leurs utilisateurs. L’utilisateur pourrait alors poster le contenu protégé.
Le texte adopté est plus souple que la version de juillet qui avait retenu le blocage automatique des contenus illégaux. Selon le texte adopté, le blocage doit être évité afin de préserver la liberté d’expression, ainsi le régulateur tente d’introduire différentes garanties pour éviter des blocages trop larges telles que le recours à des dispositifs de plaintes effectifs et rapides en cas de suppression injustifié.
Ces dispositifs en ligne semblent un mécanisme à encourager en la matière. Il est toujours de l’intérêt des utilisateurs de pouvoir réagir au plus vite et à moindre coût.
Toutefois, cela suppose comme l’indique la directive que ces mécanismes fassent l’objet d’un examen individuel par une personne physique et que ces recours ne soient pas seulement soumis à un algorithme.
Les réseaux sociaux sont concernés au même titre que les plateformes.
Les encyclopédies en ligne et les plateformes de petite taille sont exclus du dispositif.
L’article 11 et le droit voisin en matière de presse
A été créé un droit voisin au bénéfice des éditeurs de presse, tels que les journaux, les magazines, les agences de presse.
Ce droit voisin doit leur permettre ainsi de se faire rémunérer lors de la réutilisation en ligne de leurs articles. Cet article 11 s’appliquera donc à toutes les plateformes diffusant des extraits d’articles accompagnés souvent de l’image illustrant l’article et d’un lien. Est notamment visé Google Actualités et plus généralement les services d’agrégation de d’extraits d’articles accompagnés d’un lien.
Sur le fondement de ce droit voisin, les éditeurs pourront réclamer une rémunération.
Afin de préserver l’équilibre entre libertés d’opinion, d’expression et rémunération des auteurs, différentes exemptions ont été prévues par le texte.
Par exemple, le simple partage de lien hypertexte vers des articles n’est pas concerné, cf « les droits visés (…) ne s’appliquent pas aux simples hyperliens accompagnés de mots isolés ».
Il en est de même des « mots isolés » pour décrire les articles qui échapperont également au régime de protection mis en place. Il s’agit de lutter contre la reprise de paragraphes entiers et notamment du premier paragraphe, du titre et de l’image accompagnant le texte, éléments considérés comme substantiels de l’article en question.
Cet article pourrait remettre en cause la fonctionnalité d’aspiration des articles des éditeurs de presse ou des contenus qui ne seraient pas rémunérés.
Enfin, sont exclues du champ d’application du texte, les plateformes et micro-plateformes ainsi que le téléchargement non commercial effectué à partir d’encyclopédies en ligne ou de plateformes de logiciels libres.
Plus largement, cette directive ajoute une exception au bénéfice de l’utilisateur dans le cas d’une utilisation courte et proportionnée, à des fins légitimes, d’un extrait d’œuvres.
Rappelons que cette adoption n’est pas encore définitive. Elle doit être conciliée avec la version adoptée par le Conseil de l’Union Européenne.
Par ailleurs, s’agissant d’une directive, chaque Etat devra la traduire dans son droit national, et les contours exacts de ces nouvelles règles pourront varier selon les pays.
Reste à savoir si un texte de cette nature incitera ou non les plateformes à discuter avec les ayants-droits. De tels accords auraient indéniablement un effet vertueux sur les utilisateurs de ces plateformes.
Blandine Poidevin
Avocat associé, Cabinet Jurisexpert
www.jurisexpert.net