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La liberté d’expression : un droit sacré et bien encadré !

L’attentat terroriste récemment perpétré à l’encontre de l’hebdomadaire Charlie Hebdo et de ses différents contributeurs a été l’occasion de rappeler la nécessité de défendre un droit sacré : la liberté d’expression.

En France, ce droit est garanti par l’article 11 de la déclaration de 1789 qui prévoit que « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ».

Le principe en a été repris dans l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, consacrant lui aussi le droit à la liberté d’expression comprenant la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorité publique et sans considération de frontière.

Il s’agit d’une liberté fondamentale dont l’exercice « est l’une des garanties essentielles du respect des autres droits et libertés et de la souveraineté nationale »[1].

A ce titre, elle ne peut faire l’objet d’un régime d’autorisation préalable, mais fait l’objet d’un encadrement a posteriori contre les abus.

Ce n’est pas la violence qui doit la limiter, mais la cohabitation avec d’autres droits fondamentaux.

Ainsi en est-il notamment de l’honneur et de la considération d’une personne, protégés contre l’imputation d’un fait non avéré par l’article 32 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, par le biais de la diffamation.

La vérité des faits diffamatoires peut toujours être prouvée par l’auteur des propos litigieux, afin de s’exonérer de responsabilité en dehors des cas où « l’imputation se réfère à des faits qui remontent à plus de 10 ans » et concernent la vie privée de la personne visée.

Il s’agit, dans un objectif d’intérêt général de recherche de la paix sociale, d’éviter que par l’exercice de la liberté d’expression ne soient rappelés des faits anciens.

Le Conseil Constitutionnel a jugé cette réserve, par son caractère général et absolu, constitutive d’une atteinte non proportionnée au but poursuivi[2].

L’injure est également une limite à l’exercice de cette liberté fondamentale qu’est la liberté d’expression, conformément à l’article 33 de la loi sur la liberté de la presse précitée.

Le législateur sanctionne également les abus constitutifs de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne à raison de son origine ou de son appartenance à une ethnie, une nation, une race, l’apologie des crimes de guerre, crimes contre l’humanité ou une religion déterminée…

La vie privée et les images sont également protégées contre les abus de la liberté d’expression par l’article 9 du Code civil.

D’autres textes garantissent le secret de l’instruction, la présomption d’innocence ou encore le secret des affaires.

Afin de préserver au maximum la liberté d’expression, le délai de prescription des dispositions portant atteinte à celle-ci est très court (entre trois mois et un an en matière de droit de la presse). Ces délais ont récemment été considérés comme constitutionnels par le Conseil Constitutionnel[3].

Rappelons à toutes fins utiles que l’affaire des caricatures de Mahomet, mise en avant par les terroristes pour tenter de justifier leur action à l’encontre de l’hebdomadaire satirique, avait fait l’objet d’une décision judiciaire.

La Cour d’appel de Paris, saisie d’une demande introduite par l’UOIF (Union des Organisations Islamiques de France) avait relevé que « Charlie Hebdo est un journal satirique qui, au cours des années, publié de très nombreuses caricatures mettant en cause les diverses religions et que le genre littéraire de la caricature, parfois délibérément provoquant, participe de la liberté d’expression et de communication des pensées et des opinions ».

Elle avait également « observé que la liberté d’expression vaut pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes dans une société déterminée, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent ainsi que l’exigent les principes de pluralisme et de tolérance qui s’imposent particulièrement à une époque caractérisée par la coexistence de nombreuses croyances et confessions au sein d’une même nation ».

Elle avait ainsi rappelé « qu’en France, société laïque et pluraliste, le respect de toutes les croyances va de pair avec la liberté de critiquer les religions, quelles qu’elles soient, et avec celle de représenter des sujets ou objets de vénération religieuse, le blasphème n’étant pas réprimé »[4].

Le droit français propose en conséquence des dispositifs parfaitement adaptés à l’encadrement de la liberté d’expression, qui permettent de conserver son caractère sacré.


[1] Conseil Constitutionnel. 10 et 11 octobre 1984. Décision n° 84/181 DC

[2] Décision n° 2001-131 QPC du 20 mai 2011

[3] Décision n° 2013-302 QPC du 12 avril 2013

[4] Cour d’Appel de Paris, 11ème Chambre Section A, 12 mars 2008, n° 07/02873