Les licences Creative Commons
Les licences CREATIVE COMMONS ont pour vocation d’aménager le régime des droits d’auteur aux possibilités offertes par le réseau Internet, de la propre volonté de l’auteur.
L’objectif de ces licences est d’offrir une alternative qui s’inspire du monde des logiciels libres.
Il s’agit de tenter de préserver le respect des droits d’auteur, ainsi de permettre une diffusion large de l’œuvre. Par les licences entourant les logiciels libres, ou licences OPEN SOURCE, l’auteur autorise la copie, la diffusion et la modification de son œuvre, à condition que les sources soient citées et rendues accessibles.
Il existe d’autres mécanismes de licences libres, plus restrictifs, tels que la licence COPYLEFT, ou encore les licences semi-libres, pour lesquelles sont restreintes soit la diffusion de l’œuvre, soit les possibilités de modifications de l’œuvre.
Ces licences libres s’inspirent de la licence GNU/GPL, conçue par Richard STALLMAN en 1983 pour les logiciels libres, puis fixée par la FREE SOFTWARE FOUNDATION en 1989.
A titre d’exemple, la licence GPL (General Public License) autorise la copie, la modification et la diffusion du logiciel, et définit également les conditions de distribution de ce logiciel, afin d’interdire un droit de propriété absolue. L’auteur cède par cette licence, à titre gratuit, ses droits patrimoniaux, et notamment ses droits de reproduction et de représentation, sans limite. Le code source du logiciel est accessible à l’utilisateur qui a comme obligation, lors de la rediffusion, de diffuser également le code source modifié par ses soins.
Cette licence a été adaptée en droit Français par la licence CeCILL .
S’inspirant de cette démarche, la licence CREATIVE COMMONS cherche à fournir un cadre juridique à la diffusion d’œuvres protégées par le droit d’auteur, sous forme numérique, sur Internet.
La licence CREATIVE COMMONS cherche à adopter un équilibre, en permettant aux auteurs de diffuser librement leur travail, mais en leur permettant également de se réserver certains droits.
Ainsi, par ces licences, le public est autorisé à réaliser des diffusions, sous réserve des conditions posées par l’auteur.
a) Mécanisme d’adoption
Plusieurs licences sont proposées par la Fondation CREATIVE COMMONS. Il appartient à l’auteur de choisir parmi ces licences celle qui lui semble la plus adaptée à sa volonté de diffusion et de restriction de son œuvre.
L’auteur reste seul à déterminer le choix de la licence.
Il peut, par exemple, choisir que son œuvre soit diffusée librement, à la seule condition qu’il soit cité, ou encore restreindre toute utilisation commerciale, ou encore interdire toute modification par avance de son œuvre. Il peut également décider d’autoriser les modifications, à condition que les œuvres dérivées de son œuvre originelle soient diffusées dans les mêmes conditions.
D’autres licences sont proposées, comme par exemple une licence destinée à être utilisée dans les Pays en voie de développement (la licence DEVELOPING NATIONS).
La diffusion de ces licences est réalisée sous forme d’une extrême simplicité, dans la mesure où des logos résument les caractères principaux de la licence mise au point par l’auteur.
Par un lien à partir du site Internet de l’auteur, ou à partir de l’œuvre, l’utilisateur prend connaissance des conditions de cette diffusion, intitulée le COMMONS DEED, de façon simplifiée, en parallèle de la diffusion de la licence.
Tous types d’œuvres peuvent être concernés par ces diffusions, quelle que soit leur forme, à condition qu’elles soient originales.
Toute modification des conditions de diffusion de l’œuvre est alors soumise à l’autorisation de l’auteur et doit se conformer aux règles de la propriété intellectuelle si l’œuvre est régie par le régime Français.
Ainsi, les licences CREATIVE COMMONS permettent à l’auteur de diffuser son œuvre dans un contexte dit « libre », en se réservant le contrôle des conditions de cette exploitation.
Il s’agit avant tout, pour les auteurs, de leur permettre de mettre leurs œuvres à disposition directement, et sans intermédiaire, tout en ne renonçant pas définitivement à une exploitation commerciale.
Toutefois, ces textes, proposés par la fondation Américaine, nécessitent d’être adaptées aux dispositions spécifiques de chaque législation Nationale.
A titre d’exemple, divers travaux ont été menés en Belgique, aux Pays-Bas et en Italie pour adapter ces licences au droit National.
Ces travaux préfigurent des difficultés rencontrées pour l’adaptation de ces licences au droit Français.
b) Adaptation au droit Français
Les licences s’inspirent en effet des concepts et de la philosophie du droit du Copyright Américain.
Alors que le droit du Copyright ne reconnaît à l’auteur que des droits patrimoniaux, le droit Français se caractérise par l’incessibilité de ses droits moraux.
De même, le droit Français interdit la cession globale des œuvres futures, sauf l’hypothèse d’une œuvre collective (article L.113-2 du Code de la Propriété Intellectuelle) ou en matière de logiciel, par le mécanisme de la dévolution des droits à l’employeur (article L.113-9 du Code de la Propriété Intellectuelle).
Les exceptions aux droits exclusifs des auteurs sont également différentes selon les régimes Français et Américains.
Rappelons que la loi TOUBON du 4 août 1994, relative à l’emploi de la langue Française1 oblige, en son article 2, l’emploi de la langue Française pour toute publicité écrite, parlée ou audiovisuelle.
Elle oblige également en son article 5 que les contrats auxquels une personne morale de droit
ou une personne privée exécutant une mission de service public sont parties, soient rédigés en langue Française.
En d’autres termes, la traduction Française est conseillée ou obligatoire selon les cas de figure.
De même, les clauses d’exonération de responsabilité ne peuvent être appliquées en l’état. En effet, dans le cas de contrefaçon, l’exploitant de l’œuvre ne peut exclure sa responsabilité et l’auteur de l’œuvre doit au contraire en assurer une jouissance paisible et assurer qu’il détient bien les droits lui permettant la diffusion de son œuvre.
C’est ainsi sous réserve de la prise en compte des spécificités du droit Français que pourra être appliqué en droit Français le mécanisme des licences CREATIVE COMMONS.
c) Exemples d’adaptation nécessaires
Le Code de la Propriété Intellectuelle prohibe la cession globale d’œuvres futures, au titre de l’article L.131-1 du Code de la Propriété Intellectuelle.
L’article L.131-6 du Code de la Propriété Intellectuelle permet d’exploiter une œuvre sous une forme non prévisible ou non prévue à la date du contrat, à condition que cette clause soit expresse, et qu’elle prévoit une participation corrélative aux profits de l’exploitation.
Or, l’article 3 des licences CREATIVE COMMONS dispose que les droits accordés par l’auteur peuvent être exercés sur tous les supports, médias, procédés techniques et formats.
De même, les conditions de garantie qu’offre l’auteur doivent être conformes à la garantie d’éviction (article 1726 du Code Civil) et la garantie contre les vices cachés (article 1727 du Code Civil). Il peut s’agir de l’emprunt à des œuvres précédentes sans respect ou sans autorisation de l’auteur.
Ainsi, l’auteur ne peut se contenter d’exclure sa responsabilité en matière d’emprunts, susceptibles de constituer un acte de contrefaçon.
Ces mêmes garanties doivent respecter le droit moral de l’auteur ou des auteurs précédents.
Dès que les conditions de diffusion souhaitées par l’utilisateur seront différentes de celles proposées par l’auteur, un accord devra être rédigé entre les parties, conformément à l’article L.131-3 du Code de la Propriété Intellectuelle. Selon cet article, chacun des droits cédés doit faire l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession, et le domaine d’exploitation des droits cédés doit être délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée.
Ce formalisme est applicable aux licences et aux autorisations d’utilisation (Cour de Cassation, 1e Chambre Civile, 23 janvier 2001).
Enfin, l’auteur a la possibilité, au titre des licences CREATIVE COMMONS, d’exploiter son œuvre sous des conditions différentes, ou d’en cesser la diffusion.
Toutefois, ces modifications des conditions d’exploitation ne doivent pas conduire à retirer les effets du contrat en cours. Il importe donc que l’utilisateur se réserve la preuve de la diffusion de la licence dans les conditions souhaitées par l’auteur lors de la conclusion du contrat de licence.
Peut se poser également la question de la rémunération. La validité d’une cession des droits sur l’œuvre par l’auteur sera dépendante de la contrepartie que pourra en retirer l’auteur.
De même, le régime des licences CREATIVE COMMONS semble contradictoire avec l’application des mécanismes de gestion collective, car l’auteur ne peut alors décider seul de l’exploitation de ses droits de reproduction et de représentation, suite au mandat donné à la société de gestion collective.
La rémunération perçue serait également contradictoire avec l’article 3 des licences CREATIVE COMMONS exigeant une exploitation de l’œuvre à titre gratuit.
1. Loi n°94-665 JO n°180 du 5 août 1994
sur les licences de logiciel