Le cadre juridique de la responsabilité des blogs
(Note: ce billet a été remis à jour le 28 février 2006 ici).
Diffuser un blog peut amener à différentes responsabilités.
En effet, de nombreuses règles s’appliquant à la diffusion d’un site s’appliqueront au blog.
I Le cadre juridique applicable au blogueur en tant qu’éditeur
I.1 Les devoirs du blogueur au regard de la loi LCEN
Le blogueur sera considéré, au sens de la loi du 21 juin 2004 pour la Confiance dans l’Economie Numérique (LCEN, article 6-III), comme : « éditeur d’un service de communication publique en ligne ».
De ce point de vue, il doit, en tant que personne physique :
– déclarer son identité à son hébergeur (ou à son fournisseur d’accès en cas d’hébergement direct par le fournisseur d’accès) ;
– faire figurer sur le site ses coordonnées (nom, prénom, domicile, numéro de téléphone), ainsi que les nom, dénomination, adresse et numéro de téléphone de son hébergeur. S’il souhaite garder l’anonymat, le blogueur devra faire figurer les coordonnées de son hébergeur sur son blog, en vérifiant qu’il lui a transmis ses éléments d’identification personnelle.
– publier gratuitement, et sous trois jours à compter de la réception de la demande, un éventuel droit de réponse.
I.2 Le respect des droits soumis à autorisation
Par ailleurs, le blogueur est également tenu de respecter les différents droits soumis à autorisation. Ainsi en est-il notamment des dispositions relatives au droit de la propriété intellectuelle (autorisation nécessaire à toute reproduction de marque ou d’œuvre protégée par le droit d’auteur) ou au droit au respect de la vie privée (diffusion d’images, qu’il s’agisse de personnages publics ou privés, d’éléments sur la vie sentimentale, la santé, le patrimoine de personnes identifiables).. .
I.3 La collecte de données personnelles
Le blogueur doit en outre, s’il collecte des données personnelles (nom, adresse électronique par exemple) pour un usage professionnel, se conformer aux dispositions de la loi du 6 janvier 1978 Informatique et Libertés réformée par la loi du 6 août 2004.
Le blogueur a ainsi l’obligation de déclarer son site à la CNIL et d’informer les internautes déposant un message sur son blog des droits dont ils disposent au titre de la loi Informatique et Libertés. Il lui incombe ainsi de leur signaler la finalité de la collecte, l’existence et les modalités d’exercice du droit d’accéder aux informations qui les concernent et de les faire rectifier le cas échéant, en indiquant la façon d’exercer ce droit (notamment à qui s’adresser). En outre, le blogueur doit informer les internautes de la possibilité qu’ils ont de s’opposer, pour des motifs légitimes, au traitement des données.
De même, le blogueur a l’obligation de signaler aux visiteurs si les informations reçues seront transmises à des tiers, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’Union Européenne, et si sont mis en place des cookies ainsi que le moyen de s’y opposer.
I.4 Les infractions issues de la loi sur la presse
Sur le plan pénal, le blogueur engage sa responsabilité vis à vis notamment de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 (apologie de crime contre l’humanité, incitation à la haine raciale, diffamation…) quant à ce qu’il écrit lui-même sur son blog. C’est l’exemple de l’action engagée par la Ville de PUTEAUX.
Mais il peut aussi, dans certains cas, être tenu pour responsable des commentaires éventuellement faits par les participants à son blog.
La loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle prévoit que :
« au cas où l’une des infractions prévues par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est commise par un moyen de communication au public par voie électronique, le directeur de la publication sera poursuivi comme auteur principal, lorsque le message incriminé a fait l’objet d’une fixation préalable à sa communication au public ».
On peut considérer que cette fixation préalable n’existe pas sur un blog où, de la même manière que sur un forum de discussion sans modérateur, les messages des participants sont immédiatement affichés sans contrôle du blogueur. Néanmoins, il peut-être utile pour le blogueur de le rappeler de manière expresse à ses visiteurs afin de s’exonérer de cette responsabilité en tant que directeur de la publication.
Si la responsabilité du blogueur est alors écartée en tant que directeur de la publication, elle pourrait être recherchée si l’auteur n’était pas identifiable. A ce titre, il est conseillé aux blogueurs de se réserver la possibilité d’identifier les participants qui déposent un message, en leur faisant, par exemple, remplir un formulaire.
En outre, le blogueur peut voir sa responsabilité pénale engagée en tant que complice, sur le fondement de l’article L.121-7 du Code Pénal, qui dispose qu’est complice « la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation ».
I.5 Le blogueur et son employeur
Sur un plan professionnel, il est également possible d’imaginer qu’un blog d’un salarié comprenant des commentaires sur cette entreprise puisse lui causer des ennuis. En effet, la Cour de Cassation a rappelé que le comportement du salarié dans sa vie privée peut justifier une sanction disciplinaire si ce comportement cause un trouble caractérisé dans l’entreprise. Par ailleurs, le salarié est tenu à une obligation de loyauté envers son employeur.
En conclusion, la responsabilité tant civile que pénale du blogueur peut être recherchée du fait du contenu de son blog, et il lui appartient par conséquent d’être particulièrement vigilant quant aux différentes contraintes législatives applicables en la matière.
II Le cadre juridique applicable au blogueur en tant qu’hébergeur
La question se pose de savoir si le blogueur peut être considéré comme un hébergeur au sens de la loi LCEN, du fait notamment des commentaires que les tiers peuvent instantanément porter sur le blog.
Cette possibilité est intéressante pour le blogueur, car elle lui permettrait de limiter sa responsabilité.
En effet, s’il lui incombe, en vertu de la loi LCEN, de réagir dès qu’il a connaissance d’un contenu litigieux et/ou qu’il reçoit une notification dans ce sens, l’hébergeur n’est cependant pas tenu à une obligation générale de surveillance.
Pour pouvoir bénéficier de ce statut plus avantageux, le blogueur devrait, en cette qualité, assumer et respecter l’ensemble des obligations qui sont celles des hébergeurs à savoir :
– détenir et conserver « les données de nature à permettre l’identification de quiconque a contribué à la création du contenu »,
– supprimer promptement les contenus illicites,
– réagir aux notifications,
– ou encore mettre en œuvre des moyens de lutter contre la diffusion de contenus pédo-pornographiques, relatifs à l’incitation à la haine raciale ou à l’apologie de crimes contre l’humanité…
Dans une ordonnance rendue par le Tribunal de Grande Instance de Paris en référé le 18 février 2002, le Juge a considéré qu’une société qui avait mis en ligne un forum de discussion devait être considérée comme un hébergeur. En raison des similitudes existant entre les forums de discussion et les blogs, on peut envisage la qualification du blogueur lui aussi en tant qu’hébergeur. Néanmoins, il s’agit seulement d’un jugement de premier instance rendu en référé…
III Recommandations au blogueur
Si le contenu peut présenter un caractère polémique ou litigieux, il est conseillé au blogueur de disposer de l’identité et des coordonnées de l’auteur du message, voire de son représentant légal s’il est mineur.
De même, des règles d’utilisation sur les contenus envoyés par les participants peuvent être proposées avant publication du message.
A défaut, il est conseillé au blogueur d’examiner régulièrement son blog, afin de supprimer tout message à caractère litigieux.
D’autres règles conventionnelles peuvent s’appliquer commutativement, comme l’ont démontré des cas d’exclusion d’établissement scolaire, en application d’un règlement intérieur.