La protection par le droit d'auteur des photographies de reportages, de groupes.
Il convient, tout d’abord, de rappeler que les œuvres photographiques sont considérées comme des œuvres de l’esprit (article L.112-2 du Code de la propriété intellectuelle), et qu’à ce titre, elles sont considérées comme étant protégées par le droit d’auteur dans la mesure où elles sont originales, c’est-à-dire qu’elles reflètent la personnalité de leur auteur.
Les Tribunaux ont énuméré une liste de critères qui permettent d’apprécier l’originalité des photographies. Ainsi, la Cour d’appel de Paris a précisé que « Considérant que ce ne sont ni les moyens techniques mis en œuvre ni le format de la photographie que protège la loi de 1957 mais la création portant l’empreinte de son auteur par ses choix dans le jeu des ombres et de la lumière, du cadrage, de l’environnement du sujet, de son attitude, de l’expression parfois si fugitive d’un visage » (CA Paris, 4ème ch., 5 mars 1991).
En conséquence, l’originalité ne saurait être déniée de facto aux photographies de reportages, d’événements ou de groupe, sans une analyse de leur originalité.
Ainsi, la jurisprudence considère qu’il convient d’analyser concrètement les photographies afin de déterminer si celles-ci sont empreintes de la personnalité de leur auteur.
Tel a notamment été le cas dans un litige relatif à des photographies prises par Gérard Oriol, pour une association humanitaire ayant organisé le convoyage d’une fillette malgache devant être opérée à Brest et qui en a rendu compte dans un magazine « Hiver 2005-2006 », et dont l’originalité était contestée.
Monsieur Gérard Oriol a donc pris le soin de décrire, cliché par cliché, l’effet recherché et représenté pour chacune des photographies, ainsi par exemple, il a précisé : « cliché 1 : le visage souriant d’une fillette, en gros plan, faisant par contraste ressortir la lassitude de son regard, traduisant à la fois la joie et le courage de l’enfant ; cliché 2 : le visage de l’enfant dont le regard est tendu vers le photographe, tandis que celui de sa mère est penché vers elle, mettant en valeur la détermination de la fillette tandis que sa mère paraît lui parler tendrement ».
La Cour d’appel de Paris a alors considéré :
« Qu’il résulte de l’examen auquel la Cour a ainsi procédé que si les prises de vues ont été réalisées en fonction du sujet, du thème à photographier, ainsi que des circonstances et des lieux dans lesquels les faits se sont déroulés, relevant d’un travail documentaire de professionnel en situation réelle, et non d’un travail photographique préparé en studio, les choix opérés quant à la prise de vue, au positionnement des personnages, au point de vue, au cadrage et à la mise en évidence des émotions, crée pour chaque photographie une combinaison d’éléments caractéristiques, qui confère à chacune d’elle une physionomie propre la distinguant d’autres clichés du même genre et traduisant un parti-pris esthétique empreint de la personnalité de leur auteur, malgré les contraintes d’un tel reportages » (CA Paris, Pôle 5, Ch. 1, 16 mars 2011, n°09/19513 Monsieur Gérard ORIOL / Société France Télévisions SA, venant aux droits de la société France 3).
En outre, les photographies de paysages, de monuments ou de scènes vivantes (assimilées à des événements) euvent également être protégées par le droit d’auteur, à condition d’être originale, comme l’a rappelé la Cour d’Appel de Paris en énonçant :
« Et considérant qu’il résulte de l’examen des photographies litigieuses auquel la Cour a procédé, qui représentent de manière particulièrement attractive, des paysages, des monuments, des pièces de musées mais aussi des scènes vivantes telles que, des chevaux au galop à l’hippodrome de Saint-Cloud, un cavalier opérant un saut d’obstacle aux haras de Jardy, une randonnée à vélo, le tourbillon d’un manège de fête foraine, que leur auteur a procédé à des choix délibérés tenant à l’objectif visé, à l’angle de la prise de vue et à l’instant de l’effectuer, au cadrage et à l’éclairage, au jeu de la lumière et des volumes, de manière à faire ressortir des contrastes de couleurs et de reliefs, à mettre en exergue, tel élément ou tel fragment de l’ensemble saisi ; que cette démarche globale n’est pas seulement celle d’un technicien, au rang duquel les sociétés appelantes cherchent à tord à placer le photographe mais celle d’un créateur qui révèle à travers une recherche et un effort esthétiques empreints de sa sensibilité personnelle un talent artistique qui lui est propre ;
Qu’il s’ensuit que les photographies en cause présentent le caractère d’originalité requis pour bénéficier de la protection conférée aux œuvres de l’esprit par les dispositions légales […] ».