La protection des sites internet par le droit des bases de données.
Protection en tant que base de données originale.
La base de données est définie par l’article L112-3 du Code de la propriété intellectuelle, « recueil d’œuvres, de données ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen ».
Les sites internet marchands présentent différents produits qui peuvent être considérés comme des « données » au sens de cet article.
En effet, ils sont disposés de manière méthodique (classement par catégorie de produits, par prix, par promotion, par public concerné, …) et sont individuellement accessibles par des moyens électroniques, ce qui les rend éligibles à la protection ainsi conférée par l’article précité du Code de la propriété intellectuelle.
Toutefois, cette protection effective est réservée aux œuvres originales, dans le choix ou la disposition des données traitées.
La Jurisprudence a ainsi accordé cette protection au répertoire SIREN créé et exploité par l’INSEE, en retenant qu’il ne s’agissait pas d’une simple collection de données, mais d’un ensemble organisé et structuré d’informations relatives à l’identité et à l’activité des entreprises et, qu’en outre, l’INSEE ajoutait aux données brutes qui lui étaient fournies par les entreprises, des informations qu’il élaborait, relatives notamment au chiffre d’affaires, au taux d’exportation et à l’implantation géographique de ces entreprises (Conseil d’Etat. 10/07/1996).
Au contraire, il a été considéré qu’un classement strictement fonctionnel ne caractérisait pas une création originale témoignant d’une inspiration personnelle (Cour d’appel de Paris 18/06/1999 ; Cour d’appel de Paris 28/02/2007).
Cette protection a également été refusée à une base de données, faute d’originalité, au motif que « la présentation était imposée par le propre contenu des données traitées et les usages en vigueur » (Tribunal de commerce de Lyon. 30/07/1993).
Au vu de ce qui précède, je considère qu’il serait difficile pour la majorité des sites marchands de revendiquer la titularité de droits d’auteur sur les bases de données constituées des produits proposés sur leur site Internet, en raison du défaut d’originalité de celles-ci. Toutefois, la protection du droit sui generis peut être évoquée.
En vertu du droit sui generis accordé aux producteurs
En effet, à côté de la protection offerte par le droit d’auteur en application de l’article L112-3 précité du Code de la propriété intellectuelle, « le producteur de bases de donnée, entendu comme la personne qui prend l’initiative et le risque des investissements correspondants, bénéficie d’une protection du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celle-ci atteste d’un investissement financier, matériel et humain substantiels» (article L341-1 du Code de la propriété intellectuelle).
En application de cet article, le bénéfice de la protection s’acquiert, non par la démonstration de l’originalité de la base de données, mais par celle de la réalité d’un investissement substantiel pouvant consister, en l’espèce, dans un travail de vérification et de mise à jour du contenu des bases, ainsi que l’admet la jurisprudence (reconnaissance du caractère substantiel de l’investissement du producteur d’un catalogue sur papier d’exposants au vu, notamment, du travail de vérification et de mise à jour du contenu des bases d’exposants, du nombre des exposants en cause par salon, de la nécessité de l’actualisation annuelle et du coût des interventions d’une société de travail d’intérim et du nombre de personnes travaillant à temps complet sur le projet) (Cour d’appel de Paris. 12/09/2001).
Dans le même sens, la reconnaissance de l’investissement substantiel pour la constitution d’une base de données, la constitution et la vérification d’une base de données, mise à jour en temps réel, tous les jours jusqu’à 22h, occupant 4 salariés à temps plein et même en présence d’informations données par des cabinets de recrutement, en prenant également en compte les efforts de promotion effectués, la chaîne de traitement des données permettant la numérisation des offres, le travail de classement et de tri permettant de valoriser la base et de la rendre plus facilement exploitable et la présentation de cette base à travers un site performant, esthétique et ergonomique, a été admise par la jurisprudence (TGI de Paris. 05/09/2001).
En conséquence, je considère que de nombreux sites internet seraient susceptibles de revendiquer, sur le fondement de l’article L341-2 du Code de la propriété intellectuelle, le droit sui generis accordé aux producteurs de bases de données.
Ils pourraient, à ce titre, interdire, conformément à l’article L342-1 du Code de la propriété intellectuelle :
« la réutilisation, par la mise à la disposition du public de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu de la base, quelle qu’en soit la forme ».
En effet, lesdits sites consacrent des efforts importants afin d’assurer, notamment, la mise à jour en temps réel des produits disponibles, de leur prix et s’attachent également à assurer l’animation commerciale et publicitaire de cette base afin de la rendre attractive aux yeux des consommateurs,
et « l’extraction par transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu d’une base de données sur un autre support, par tout moyen et sous toute forme que ce soit ».
La violation des droits ainsi accordés aux producteurs de bases de données est passible de 3 ans d’emprisonnement et 300.000€ d’amende, en vertu de l’article L343-4 du Code de la propriété intellectuelle.
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