La loi DADVSI : dispositions majeures
Contexte de son adoption
Alors que plusieurs décisions de justice ont été rendues à propos de la copie privée, le Parlement Français a été saisi de la transposition de la directive Européenne du 22 mai 2001, portant sur les Droits d’Auteur et les Droits Voisins dans la Société de l’Information (DADVSI).
En effet, la France a été condamnée en 2005 pour non-transposition de cette directive, d’où la procédure d’urgence sélectionnée.Le projet de loi a fait l’objet d’une décision du Conseil Constitutionnel du 27 juillet 2006. La loi a été adoptée le 1er août 2006.
Lors de son adoption, la loi avait fait l’objet du vote surprise de deux amendements légalisant letéléchargement à usage privé contre rémunération. Il s’agissait de mettre en place un système delicence globale, qui aurait permis à tout internaute, contre rémunération, de télécharger de lamusique.
Le vote final du texte par l’Assemblée Nationale n’a pas retenu ce système de contribution forfaitaire. Ainsi, l’enjeu principal de ce texte devient la gestion des droits numériques, et l’interopérabilitéentre les différents systèmes et techniques de protection.
Cette loi pour objectif de lutter contre la transmission de fichiers illégaux sur les plate formes de peer-to-peer (ou P2P, réseaux décentralisés permettant de partager des fichiers informatiques), via la protection de mesures techniques de protection (MTP ou DRM en Anglais), limitant l’accès et la copie de certains médias (CD, DVD).
En pratique, cela peut se manifester par l’imposition d’un logiciel de lecture spécifique, un nombre d’écoutes limitées, une autorisation de lecture à distance via internet, un nombre restreint de copies possible, etc… Le projet érige ainsi des sanctions pénales à l’encontre de ceux quicontournent, ou aident au contournement, de telles mesures de protection.
De nouvelles exceptions au droit d’auteur
Le texte ajoute deux exceptions aux droits d’auteurs : l’auteur ne pourra ni s’opposer à l’exploitation de ses oeuvres par les associations venant en aide aux handicapés, ni s’opposer à la reproduction de ses oeuvres nécessaires au bon fonctionnement d’un site Internet (browsing et caching), pourvu que ces deux exceptions ne soient pas employées à des fins commerciales lésant injustement l’auteur.
La loi prévoit, en outre, la création d’un collège de trois médiateurs statuant sur les litiges portant sur les mesures techniques de protection, dans le cadre de ces deux exceptions. Ce collège, dont l’indépendance est rappelée, mais non contrôlée, a pour vocation de désengorger les Tribunaux.
La protection des mesures techniques de protectionEn ce qui concerne les mesures techniques de protection à proprement parler, la loi reprend la définition de la directive Européenne.
Le Conseil Constitutionnel indique que la loi doit être interprétée comme autorisant les auteurs à recourir à des mesures techniques de protection, limitant le bénéfice de l’exception de copie privée, voire y faisant obstacle dans les cas où une telle solution serait commandée par « la nécessité d’assurer l’exploitation normale de l’oeuvre ou par celle de prévenir un préjudice injustifié à leurs intérêts légitimes« .
La loi prévoit la possibilité, dans la mesure où la technique le permet, de subordonner le bénéfice effectif des exceptions à un accès licite de l’oeuvre.
La contrefaçon, délit traditionnellement réservée à la violation d’un droit de propriété intellectuelle, sanctionnera ainsi le contournement, ou l’aide au contournement, d’une mesure technique de protection.
La condamnation pour contrefaçon sera retenue dans les hypothèses suivantes :
- « porter atteinte » à une mesure technique de protection (modifier la mesure, altérer son codede programmation) ;
- avoir l’intention de commettre l’acte, avoir conscience de son acte ( » en connaissance de cause « ) ;
- avoir l’intention spéciale d’atteindre un but précis ( » afin de « ) ;
- atteindre un résultat effectif : l’altération de la protection assurée par la mesure technique de protection.
Ces critères sont cumulatifs, et à interpréter restrictivement, étant donné le caractère pénal de la sanction (principe de l’interprétation stricte de la loi pénale).
Il convient également de préciser l’apparition dans cette loi de sanctions graduées, pour lesinternautes pirates.
La loi prévoit que les éditeurs de logiciels, fabricants de systèmes techniques et exploitants deservices peuvent saisir l’Autorité de Régulation des Mesures Techniques pour des besoins d’interopérabilité. Le Conseil Constitutionnel rappelle que les consommateurs peuvent se pourvoir devant les Juridictions de droit commun.
Le Conseil Constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution la disposition vivement débattue visant à faire échapper au délit de contrefaçon les actes de reproduction et de représentation effectués dans le cadre de réseaux d’échanges peer to peer. Il considère que la particularité des réseaux d’échanges peer to peer ne permet pas de justifier la différence de traitement instaurée par la loi.
A été également condamnée par le Conseil Constitutionnel l’exception prévue pour les logiciels destinés au travail collaboratif, ainsi que la contraventionalisation des actes de reproduction et de représentation d’oeuvres, effectués dans le cadre des réseaux peer to peer.
En matière d’interopérabilité, le Conseil Constitutionnel a rappelé qu’à défaut de consentement des titulaires des droits, la communication obligatoire en matière d’interopérabilité devra entraîner une juste et préalable indemnité des ayants droits.
Blandine POIDEVIN