Jeux et paris en ligne : le cas du football
La rencontre en match retour du Club de Football Olympique Lyonnais contre ANDERLECHT du 25 août 2009 en Belgique, dans le cadre des qualifications pour la Ligue des Champions, a marqué les esprits à cause du maillot des joueurs du Club Lyonnais et de la question de la légalité de ce dernier faisant débat.
L’Olympique Lyonnais a en effet signé un contrat de sponsoring avec le site de paris en ligne BETCLIC.
Le projet de Loi relatif à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, déposé le 25 mars 2009 à l’Assemblée Nationale, prévoit la délivrance, à compter du 1er janvier 2010, d’un agrément à destination des opérateurs de jeux proposant sur internet une offre de paris sportifs, de paris hippiques ou encore de poker, à charge pour ceux-ci de respecter un cahier des charges strict en contrepartie de la fin du monopole de la Française des Jeux et du PMU.
Ce projet de Loi intervient dans un contexte français marqué par une explosion de l’offre illégale des jeux d’argent et de hasard sur internet. Lors de la présentation du projet de Loi en Conseil des Ministres, il a ainsi été rappelé que 75% des paris sur internet étaient aujourd’hui pris sur des sites illégaux.
C’est essentiellement sous la pression de Bruxelles que les Autorités Françaises ont infléchi leur position en vertu de laquelle la Française des Jeux et le PMU bénéficiaient d’un monopole sur l’offre de jeux et paris en ligne sur le territoire français. L’article 49 du traité instituant la Communauté Européenne relatif aux restrictions à la libre prestation de services est ainsi évoqué par la Commission Européenne pour remettre en cause la conformité de la législation française au cadre juridique communautaire.
La Cour de Justice des Communautés Européennes a qualifié, dans trois décisions Schindler de 1994, Läärä et Zenatti de 1999, les jeux d’argent « d’activités de service » soumis à l’article 49 précité. Les restrictions au principe de liberté de prestations de service ne peuvent être justifiées que par des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique en application de l’article 46 du traité.
La CJCE subordonne les restrictions de l’offre transfrontalière de jeux, imposées par les Etats membres, à des raisons impérieuses d’intérêt général telle que la défense de valeurs morales ou la lutte contre la fraude. Elle a également ajouté que ces restrictions devaient satisfaire à quatre conditions : la non-discrimination, la proportionnalité et l’intérêt général (notamment la canalisation de l’envie de jouer et la prévention des risques d’une exploitation des jeux à des fins frauduleuses ou criminelles).
L’article 6 du projet de loi du 25 mars 2009 prévoit d’autoriser les opérateurs agréés, à organiser la prise de paris sportifs en ligne, faisant ainsi exception au principe d’interdiction générale en vigueur depuis la loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries.
Seul le pari simple à côte fixe devrait ainsi être autorisé à compter de janvier 2010. Il s’agit du type de paris le plus fréquent pouvant porter sur l’identité du vainqueur ou du perdant (ex : quel club gagnera le match), le score exact, le nombre total de buts ou de points marqués au cours du match, et peut également être décliné afin de porter sur le vainqueur du championnat ou encore l’identité des finalistes.
Il peut également s’agit de parier sur d’autres éléments tels que la détermination du temps auquel le premier but est marqué, l’identité du joueur qui le marque, le vainqueur/perdant à la mi-temps, etc.
Au contraire, le pari à fourchette consistant à miser sur un écart en achetant ou vendant des parts fictives, reste interdit (article 4 du projet de loi).
Tentant d’anticiper cette ouverture du secteur, l’Olympique lyonnais, en s’affichant aux couleurs de son sponsor BETCLIC, a suscité des remous, même si l’équipe avait pris le soin de solliciter préalablement auprès de l’UEFA l’autorisation d’afficher la marque de son sponsor lors des rencontres européennes. Cette dernière avait indiqué formellement qu’une telle autorisation était conditionnée par le fait que les rencontres concernées devaient se dérouler dans des pays où la publicité pour les jeux d’argent était légalisée.
Or, la Belgique n’a à ce jour pas encore légalisé la publicité pour les jeux d’argent.
Le club a tenté de trouver une défense dans l’invocation de la directive « Télévision sans frontière » et le principe de la libre circulation des images, en arguant que ladite directive n’interdit explicitement que la publicité pour l’alcool ou le tabac.
Alors que la société BETFAIR a annoncé, à la rentrée, la signature d’un contrat de partenariat de deux ans avec le club de football FC BARCELONE, l’arrêt rendu le 8 septembre 2009 par la Cour de Justice des Communautés Européennes risque de brouiller encore un peu plus les pistes (Cour de Justice des Communautés Européennes, 8 septembre 2009, affaire C – 42/07).
Dans sa décision, la Cour, sur question préjudicielle, a estimé légitime l’interdiction par un état d’opérateurs étrangers sur le marché des jeux en ligne. Elle reprend à cette fin un raisonnement traditionnel en vertu duquel l’interdiction faite à une société de jeux étrangère opérant légalement dans un état membre de l’Union Européenne d’exercer des activités dans un autre état membre, constitue une restriction à la liberté de prestations de service prévue à l’article 49 du traité CE. Elle ajoute toutefois que cette violation peut être justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général définies par les jurisprudences communautaires, conformément à l’article 46 du traité CE. Elle estime enfin qu’en l’absence de législation européenne harmonisée en la matière, chaque état membre est libre de définir ses propres objectifs et que l’invocation pour le PORTUGAL d’un objectif de lutte contre la criminalité et la protection des consommateurs contre les fraudes, était recevable et justifiait le maintien des monopoles d’état.
Si ce nouvel épisode ne devrait pas remettre en cause l’évolution législative française, elle renforce toutefois le climat d’incertitude pesant sur les opérateurs et leurs partenaires dans un contexte économique tendu et hautement concurrentiel.