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HOUELLEBECQ, PPDA et les autres : Aperçu des règles applicables à la contrefaçon d'oeuvres littéraires

Deux affaires ont récemment secoué le monde littéraire et mis la lumière sur la contrefaçon dont peuvent être victimes ces œuvres.

Il s’agit, tout d’abord, de l’affaire HOUELLEBECQ, auquel on reprochait, dans son livre primé par le prix GONCOURT 2010, « La carte et le territoire », d’avoir repris des textes figurant sur le site WIKIPEDIA.

Se fondant sur la licence libre « Créative Commons » sous laquelle sont placés les contenus WIKIPEDIA, un internaute a publié, sur son blog, au nom de la logique des licences libres, selon laquelle la reproduction libre exige que la nouvelle publication soit, à son tour, sous licence « Créative Commons », le texte intégral du best-seller.

L’éditeur de HOUELLEBECQ a demandé le retrait immédiat de la publication en arguant de la violation du droit d’auteur.

Il rappelle ainsi que le règlement WIKIPEDIA, relatif à la licence libre « Créative Commons » ne prévoit une application de cette dernière qu’au seul contributeur du site et que cette règle ne pouvait s’étendre à son auteur qui s’était contenté de s’inspirer des articles de l’encyclopédie en ligne.

La deuxième affaire, plus classique dans sa présentation, est celle visant le journaliste Patrick POIVRE D’ARVOR auquel il est reproché d’avoir plagié, dans le cadre de la rédaction de sa biographie d’Ernest HEMINGWAY, un texte publié plus de 20 ans auparavant et faisant apparaître d’étranges similitudes avec le manuscrit de l’ex-présentateur vedette.

Ces deux affaires sont l’occasion de rappeler les règles applicables à la contrefaçon d’œuvres de l’esprit.

L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit en effet sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous (article L111-1 du Code de la Propriété Intellectuelle).

Sont considérés, notamment, comme œuvres de l’esprit, les livres, brochures et autres écrits littéraires, artistiques et scientifiques (article L112-2 du Code de la Propriété Intellectuelle), dès lors qu’ils sont originaux, l’originalité s’entendant comme le reflet de la personnalité du créateur.

De là, toute atteinte portée aux droits exclusifs dont jouit l’auteur constitue un acte de contrefaçon faisant l’objet de sanctions pénales (3 ans d’emprisonnement et 300.000€ d’amende, article L335-2 du Code de la Propriété Intellectuelle).

L’auteur se considérant victime de tels actes a le choix de porter son action, soit devant les juridictions répressives, soit devant les juridictions civiles, devant lesquelles il recherchera la réparation du préjudice subi.

Il appartient alors au Juge du fond de rechercher si, par leur composition ou leur expression, les scènes et dialogues des œuvres en présence comportent des ressemblances telles qu’elles doivent être analysées en actes de contrefaçon engageant la responsabilité de l’auteur de la reprise.

La jurisprudence avait déjà eu l’occasion, avant l’affaire « PPDA » de se prononcer au sujet d’une biographie consacrée à Juliette DROUET (Cour d’Appel de Paris. Chambre 4. Section A. 19/02/2003 n°2000/06206 SA LIBRAIRIE ARTHEME FAYARD / TROYAT)

La Cour d’Appel de Paris a ainsi considéré comme une contrefaçon l’ouvrage biographique second, citant des phrases sélectionnées par les auteurs de la biographie première ou présentant le même choix de coupure, reprenant dans la quasi-totalité des cas, dans le même ordre, des extraits de journaux citant les personnages dans le même ordre, sans que celui-ci soit imposé par le déroulement du récit et reprenant le choix et l’énumération des villes, étapes du voyage de Victor Hugo, des procédés d’écriture et les procédés stylistiques.

La cour a pris le soin, avant de condamner le contrefacteur à 30.000€ de dommages et intérêts sur le fondement du préjudice économique et 15.000€ sur le fondement de l’atteinte au droit moral de l’auteur de la première biographie, de procéder par comparaisons, très précises, des phrases et séquences litigieuses, afin de souligner les similitudes existant entre les œuvres en présence.

Rappelons toutefois que les mots et expressions faisant partie du domaine public sont insusceptibles d’appropriation, leur reprise ne pouvant fonder une action en contrefaçon.

La jurisprudence a ainsi rappelé, que l’auteur d’un lexique de termes cajuns, ne pouvait prétendre à un monopole sur les matériaux linguistiques ou culturels par lui recensés, ni revendiquer de droits sur l’orthographe de certains des mots collectés (CA de Paris 14/01/1992. RIDA avril 1992 page 198).

Les juges, pour apprécier l’existence de la contrefaçon, se fondent sur les ressemblances, et non sur les différences entre les ouvrages en présence (Ccass. Ch Crim. 16/06/1955. D1955.554).

Ils peuvent ainsi retenir la contrefaçon, après avoir relevé que les erreurs contenues dans l’œuvre originale se retrouvaient dans l’ouvrage incriminé (CA de Paris. 23/01/1998. D99 SOMM.63).

Par ailleurs, il peut également être utile de préciser qu’en matière de contrefaçon, la bonne foi ne se présume pas et que l’intention coupable est présumée dès que la matérialité des faits est établie ; la charge de la preuve de sa bonne foi revenant donc au contrefacteur.

L’auteur victime d’une contrefaçon dispose d’un arsenal assez complet d’action et de répression.

Il peut ainsi faire procéder à une saisie contrefaçon.

La saisie concerne les exemplaires constituant une reproduction illicite de l’œuvre, mais également des recettes provenant de cette reproduction, représentation ou diffusion.

Il est également loisible à l’auteur, victime d’une contrefaçon de requérir de l’administration des douanes, sur demande écrite assortie de justifications de son droit, la mise en place de mesures de retenue douanière, étant précisé que, dans ce cas, il appartient au déclarant, sous peine d’une levée de plein droit de la mesure de retenue, de se pourvoir par la voie civile ou par la voie correctionnelle dans un délai de 10 jours ouvrables à compter de la notification de la retenue douanière.

Depuis la loi du 29 octobre 2007, le Juge a, en outre, le pouvoir d’ordonner la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour produire ou distribuer illicitement les éléments protégés, ainsi que de tout document s’y rapportant.

L’autorisation de la saisie peut, toutefois, être conditionnée à la constitution préalable de garanties par le saisissant.

Ce dernier doit, enfin, à peine de nullité de sa saisie, agir au fond dans un délai maximum de 20 jours ouvrables ou 31 jours civils, si ce dernier délai est plus long.

Sur le plan répressif, la victime d’actes de contrefaçon peut obtenir du Tribunal la fermeture totale ou partielle, définitive ou temporaire, pour une durée au plus de 5 ans, de l’établissement ayant servi à commettre l’infraction.

Il peut aussi obtenir le retrait des circuits commerciaux, aux frais du condamné, des objets jugés contrefaisants et toute chose ayant servi ou destinée à commettre l’infraction, de même que la confiscation de tout ou partie des recettes procurées par l’infraction, ou encore l’affichage ou la diffusion du Jugement prononçant la condamnation.

Enfin, depuis la loi du 28 octobre 2009, les auteurs d’acte de contrefaçon commis au moyen d’un service de communication au public en ligne peuvent également être condamnés à une peine complémentaire de suspension de l’accès à un service de communication au public en ligne, pour une durée maximale d’un an, assortie de l’interdiction de souscrire pendant la même période un autre contrat portant sur un service de même nature auprès de tout opérateur.

Cette peine doit être portée à la connaissance de l’HADOPI, qui la notifie au fournisseur d’accès à Internet du condamné.

Cette mission de l’HADOPI s’ajoute aux nouvelles missions qui lui ont été confiées dans le domaine du téléchargement illicite.

Blandine POIDEVIN
Viviane GELLES

Avocats

Cabinet Jurisexpert