EVOLUTION JURISPRUDENTIELLE EN MATIERE DE PUBLICITE COMPARATIVE
L’article L121-8 du Code de la Consommation indique qu’une publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent, n’est licite que si elle n’est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur, si elle porte sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif, et si elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services. Il peut s’agir du prix ou d’autres éléments.
I ELEMENTS DE COMPARAISON
La Cour de Cassation, dans un arrêt du 9 mai 2007, a indiqué qu’il est nécessaire d’être en mesure de s’assurer que les produits présentent les mêmes caractéristiques essentielles, de façon à ce que la comparaison puisse être opérée de façon objective (CCass, 9 mai 2007, n°06-86.373, Jurisdata n°2007-039030).
Plusieurs décisions de justice sont intervenues en matière de publicité comparative, qui ont eu pour objet de préciser le contour et la licéité de cette forme de publicité.
Ces décisions ont notamment concerné le comparateur de prix en ligne du groupement d’achat des Centres Leclerc, le GALEC, à propos de son site « quiestlemoinscher.com ».
Dans un arrêt du 18 juin 2008, la Cour d’Appel a considéré que « le choix des paramètres et éléments de comparaison relève de la seule liberté économique de l’annonceur de la publicité comparative dès lors que les données sur lesquelles l’intéressé se fonde s’appuient sur des réalités appréhendables et vérifiables ». Elle a ainsi considéré qu’aucune faute se rapportant à la publicité comparative ou à la concurrence déloyale n’était démontrée sur ce site.
Il convient de préciser que ce site avait une première fois été fermé par la justice le 7 juin 2006, suite à un manque de transparence sur ses règles de fonctionnement ; que ledit site avait été modifié depuis lors.
Par ailleurs, dans un arrêt du 4 mars 2008, la Cour de Cassation a considéré que « lorsque les éléments de comparaison sur lesquels repose la caractéristique mentionnée dans la publicité comparative ne sont pas énumérés, le destinataire du message publicitaire doit être mis en mesure, par l’annonceur, d’en vérifier l’exactitude ainsi que celle de la caractéristique en cause ».
Les critères utilisés doivent, toujours selon la Cour de Cassation, porter sur des caractéristiques à la fois essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives des services concernés.
S’ils se fondent sur des motifs impropres à caractériser l’existence d’un constat objectif, la publicité n’est pas valable (CCass, 18 décembre 2007, n°05-19066, Jurisdata n°2007-041999).
Ainsi, l’annonceur doit toujours être en mesure de justifier des circonstances dans lesquelles l’enquête a été effectuée, de façon à respecter l’obligation de transparence exigée.
II LE CAS DE LA COMPARAISON IMPLICITE
Les règles de la publicité comparative s’appliquent également si les produits concurrents ne sont pas évoqués, mais la comparaison implicite (comme le terme « premier »).
Cette analyse tend à accroître de façon considérable le champ d’application de l’article L121-8.
On peut alors s’interroger sur toute publicité : toute publicité ne présente-t-elle pas un caractère comparatif ?
Rappelons également que pour qu’une publicité puisse tomber dans le champ d’application de la loi, les concurrents doivent être identifiables de façon explicite ou implicite.
Dans un jugement du 6 février 2004 entre les opérateurs de téléphonie mobile SFR et ORANGE, le Tribunal de Commerce de NANTERRE a jugé qu’en matière de téléphonie mobile, la campagne de publicité « Le meilleur » diffusée par SFR ne permet pas d’identifier la société ORANGE et que la généralité du terme « meilleur » utilisé dans l’approche « Ne vous privez pas du meilleur » ne suffit pas à qualifier cette campagne de comparative au sens de l’article L121-8 du Code de la Consommation :
« Attendu que la situation particulière du marché de la téléphonie mobile qui ne compte que trois opérateurs en France, ne permet pas de considérer que le message de l’un d’entre eux visant à séduire la clientèle des deux autres constituerait nécessairement une publicité comparative, en l’absence de tout élément permettant d’identifier l’image, la marque, les services particuliers ou les caractéristiques spécifiques de l’un ou de l’autre de ses concurrents ; attendu qu’une publicité générale visant la clientèle d’un marché donné ne répond pas à la définition de l’article L121-8 du Code de la Consommation qui vise un concurrent identifié ».
Dans le même sens, la Cour d’Appel de PARIS avait précédemment jugé, concernant une publicité selon laquelle « 9 chats sur 10 préfèrent les sachets de fraîcheur WHISKAS », que « la seule affirmation par la société NESTLE qu’elle est le principal vendeur d’aliments en boite pour chats ne suffit pas, dans un marché où interviennent d’autres fabricants notoirement connus, opérant sous des marques différentes, à établir avec une certitude suffisante en référé que, dans l’esprit du consommateur, le slogan testé vise les produits de cette société (…) ; que le moyen tiré de la violation de l’article L121-1 du Code de la Consommation est inopérant » (CA PARIS, 19 décembre 2003).
Enfin, il semble nécessaire d’ajouter que les risques liés à la publicité comparative sont souvent voisins de ceux de la publicité trompeuse. Conformément à l’article L121-1 du Code de la Consommation, une publicité ne doit pas être fausse ou de nature à induire en erreur, même si les publicités superlatives ou optimistes ont pu être autorisées.
Ainsi, ont été jugés des termes tels que « meilleur du monde » (CA PARIS, 2 décembre 1992) ou encore « encore moins cher », à condition de ne dénigrer distinctement ni une personne ni un produit (CA RIOM, 5 février 1992), ou encore « attendu que l’emploi dans des messages ou des campagnes publicitaires de superlatifs dans leur sens absolu tels que « meilleur », « les plus appréciés », etc. ne saurait constituer en soi une publicité mensongère ; qu’ils constituent un usage consacré dans la publicité quelle que soit la cible visée » (TC PARIS, 6 novembre 2002).
Néanmoins, dans un arrêt du 4 juin 2002, la Cour de Cassation a jugé :
« Ayant relevé que pour un consommateur d’attention moyenne, la mention « votre fuel domestique moins cher » ne permet pas de savoir si l’annonceur fait référence à ses propres prix pratiqués antérieurement, ou à ceux pratiqués par la concurrence ; qu’une publicité de ce type est d’autant plus trompeuse qu’elle ne comporte pas de période de comparaison alors que les prix du produit concerné sont particulièrement évolutifs, que différentes factures versées aux débats émanant de revendeurs de fuel domestique travaillant sur le même secteur territorial que la société X établissent qu’à certaines époques, ceux-ci vendaient le fuel moins cher que cette société ».
En conclusion, il apparaît que la transparence reste de mise, et qu’en dehors de l’utilisation d’un terme très général, l’annonceur peut tomber sous le coup de la publicité trompeuse ou comparative. Il lui appartient donc de justifier que ses allégations sont exactes.
Il semble préférable de respecter alors l’ensemble des règles relatives à la publicité comparative et d’en respecter les mentions d’information (nature de l’enquête, organisme enquêteur, date, éléments comparés, période de comparaison…).