Editeurs de plateformes, Hébergeurs : attention à la période électorale !
La loi « anti fake news » du 22 décembre 2018[1] a instauré de nouvelles obligations à l’égard des plateformes ont été mises en place dans les trois mois précédant toutes les élections générales (présidentielles, législatives, européennes, etc.). Les élections actuelles sont donc concernées.
Le législateur tente par là de lutter contre la diffusion massive de fausses informations en ligne (« fake news ») qui peuvent influer sur le déroulement normal des élections, en accélérant le recours à la justice de manière à ce qu’une décision rapide puisse être prise afin de faire cesser la diffusion d’un contenu.
Une nouvelle action en justice
La loi prévoit dans le code électoral une nouvelle action en référé devant le juge civil. Cette action a pour but de faire prononcer à l’égard des hébergeurs, plateformes et fournisseurs d’accès à internet, toute mesure proportionnée et nécessaire pour faire cesser la diffusion, et ce indépendamment de toute mise en cause de leur responsabilité.
En conséquence, les délais de réaction habituellement appliqués dans le cadre de la LCEN ne seront pas suffisants.
En effet, en cas de saisine, le juge des référés doit apprécier, sous 48 heures, si ces fausses informations sont diffusées « de manière artificielle ou automatisée » et « massive ».
Le Conseil constitutionnel a précisé, dans sa décision du 20 décembre 2018, que le juge ne pouvait faire cesser la diffusion d’une information que si le caractère inexact ou trompeur de l’information était manifeste et que le risque d’altération de la sincérité du scrutin était également évident.
Une obligation de transparence renforcée
L’absence de transparence est un facteur commun à toute tentative de manipulation de l’information.
Ainsi, le législateur s’est penché sur cette question en renforçant les obligations des éditeurs de plateforme à ce titre[2].
Les opérateurs de plateformes en ligne dépassant un seuil de cinq millions de visiteurs uniques par mois, et par plateforme (calculé sur la base de la dernière année civile)[3], auront l’obligation de communiquer « une information loyale, claire et transparente » sur l’identité de ceux qui ont payé pour promouvoir « des contenus d’information se rattachant à un débat d’intérêt général », ainsi que sur l’utilisation des données personnelles des visiteurs.
Par ailleurs, les rémunérations reçues en contrepartie de cette promotion doivent être rendues publiques lorsque leur montant est supérieur à 100 euros hors taxe, pour chaque contenu d’information se rattachant à un débat d’intérêt général. Ces informations devront enfin être agrégées dans un registre en ligne, mis à la disposition du public, dans un format ouvert, et régulièrement mis à jour.
Toute infraction à ces nouvelles dispositions du code électoral est sanctionnée par des peines pouvant aller jusqu’à un an d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende.
Devoir de coopération des intermédiaires
Enfin, le texte adopté a pour objet d’imposer un devoir de coopération des intermédiaires techniques précités, qui doivent désormais œuvrer à :
– Mettre en place un dispositif facilement accessible et visible permettant à toute personne de leur signaler des contenus constitutifs de fausses informations ;
– Relayer ces signalements d’internautes dans les plus brefs délais auprès des autorités publiques compétentes ;
– Assurer une transparence de ces nouvelles obligations en rendant publics les moyens consacrés à la lutte contre la diffusion des fausses informations, ainsi que leurs algorithmes.
En fonction du contenu proposé et du nombre de visiteurs mensuels, les opérateurs de plateformes en ligne doivent donc désormais se conformer à un cadre légal contraignant en périodes de campagne électorale. Une première étape avant de devenir permanente ?
[1] LOI n° 2018-1202 du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information modifiant notamment le code électoral en y insérant les articles L. 163-1 et L. 163-2
[2] Article L. 163-1 du code électoral
[3] Décret n° 2019-297 du 10 avril 2019 relatif aux obligations d’information des opérateurs de plateforme en ligne assurant la promotion de contenus d’information se rattachant à un débat d’intérêt général
Florent PINCHON
Avocat collaborateur
Blandine POIDEVIN
Avocat associé