Droit syndical et internet
On peut se demander si un syndicat d’entreprise estautorisé à créer un site sur Internet.
Aucune loi n’existe sur ce thème. Il convient parconséquent de se reporter aux dispositions de la loi du 27 décembre 1968 relativela publication, la distribution et l’affichage de documents [bien qu’elle neprend pas en compte l’émergence de nouveaux médias, et la place qu’ilspourraient jouer au sein de l’entreprise].
L’article L 412-8, alinéa 4 du Code du travail, quiréglemente l’affichage et la publication de tracts à l’intérieur del’entreprise, prévoit qu’ils ‘peuventêtre librement diffusés aux travailleurs de l’entreprise dans l’enceinte decelle-ci‘ (aux heuresd’entrée et de sortie: la diffusion de messages syndicaux ne doit en effet pasperturber le travail). Mais cette disposition ne limite pas expressément ladiffusion des communications syndicales à l’enceinte de l’entreprise [emploi duverbe ‘pouvoir’ caractérise la possibilité accordée].
La doctrine est favorable à une interprétationextensive des termes de la loi. L’interprétation rigoureuse de cettedisposition serait en effet critiquable, car en s’attachant à uneinterprétation littérale du texte, on méconnaîtrait sa finalité. Telle estl’opinion exprimée par la doctrine suite à l’arrêt rendu par la Cour deCassation, chambre sociale, le 27 mai 1997 [Revuedroit social, juillet 1997, p760].
L’article L 412-8 alinéa 4 vise à permettre auxorganisations syndicales de communiquer avec le personnel. On peut doncimplicitement admettre que les salariés puissent créer un site syndical sur leWeb à cette fin.
Cette analyse est partagée par la jurisprudence. LeTribunal de Grande Instance de Paris, par un jugement du 17 novembre 1997devenu définitif, a en effet considéré que ‘la création d’un site externel’entreprise sur l’Internet librement accessible aux salariés de l’entrepriseet la diffusion sur un tel site de messages contenant l’expression derevendications syndicales, ne peuvent être considérées comme illicites’,dansla mesure où ces pratiques ne paraissent pas porter un trouble à l’exécutionnormale du travail ou à la marche de l’entreprise.
Il convient toutefois de préciser que le juge a prissoin de relever, afin de justifier sa décision, qu’il était possible enl’espèce de connaître les animateurs du site et de situer sans ambiguïté lesmessages dans le cadre d’une situation sociale existante. Dans ces conditions,la diffusion de messages sur Internet s’inscrit dans l’exercice du droit àl’expression directe et collective des salariés reconnu par l’article L 461-1du Code du travail.
Aux termes de cet article, les informationsdiffusées sur le réseau Internet doivent porter sur le contenu, les conditionsd’exercice et l’organisation du travail. Cette expression doit notammentcontribuer à définir les actions à mettre en oeuvre pour améliorer lesconditions de travail, l’organisation de l’activité et la qualité de laproduction dans l’entreprise.
Il faut cependant rappeler que la libertéd’expression trouve ses limites dans les dispositions de la loi du 29 juillet1881 sur la presse. Le contenu des messages diffusés sur Internet doit être denature syndicale. Aux termes de l’article L 411-1 du Code du Travail (quis’entend désormais très largement), le rôle accordé aux syndicats consiste àétudier et à défendre les droits ainsi que les intérêts matériels et moraux,tant collectifs qu’individuels, des personnes visées par leur statut et n’êtreni injurieux ni diffamatoire.
Il appartient en outre aux salariés de ne pas abuserde la liberté qui leur est accordé. Leur comportement pourrait éventuellementêtre réprimé sur le fondement de la théorie de l’abus de droit.
Le réseau Internet, auxquels la majorité despersonnes travaillant dans le secteur tertiaire ont aujourd’hui accès, peutsans doute être à l’origine d’un renouveau des méthodes de communication ausein de l’entreprise. Certains syndicats d’entreprise disposent déjà d’un sitepropre sur le net [ par exemple Air France: www.cfdtairfrance.com ou Alcatel:www.cfdt-alcatel.com].
BlandinePoidevin
Avocat
Avecla collaboration de Stéphanie De Buck
bpoidevin@jurisexpert.net